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Le recyclage sert souvent aujourd’hui de prétexte pour faire perdurer une société de surconsommation, en déculpabilisant les uns par la soi-disant garantie d’une réutilisation des matières constituant les déchets (« achetez du jetable, ce n’est pas grave c’est recyclable, la planète vous dit merci ! ») et en culpabilisant les mauvais trieurs. L’association Zéro Déchet Lyon vous explique le fonctionnement du tri dans le Grand Lyon avant de pointer les limites de ce système et de dessiner les alternatives.
Une version actualisée en 2021 de cet article est disponible ici
La collecte sélective à Lyon, état des lieux
Qu’on vous mette à l’aise tout de suite… le tri c’est pas simple !
En préambule, un petit rappel : ce logo « Le point vert » ne veut pas dire que le déchet est recyclable. Il signale que l’entreprise paye une contribution à l’éco-organisme* spécialisé dans les emballages, CITEO (anciennement Eco-Emballages).
Cet autre logo que vous croisez souvent aussi, « le ruban de Möbius », signifie que le produit est potentiellement recyclable mais, rien ne garantit que les centres de tri auront l’équipement pour le faire. Paradoxal non ?
Dans la poubelle de tri, on retrouve systématiquement des « faux-amis ». Des faux-amis ?? Mais oui, toutes ces choses qu’on croit recyclables, mais qui en fait ne le sont pas. Comme par exemple : sacs plastiques, boîte d’œufs en plastiques, pots de yaourts, pots de crème, gobelets barquettes plastiques, polystyrène, films plastiques, blisters, boîtes en bois et autres sur-emballages plastiques… STOOOP !
On est tous d’accord : le système proposé n’est vraiment pas très explicite. D’autant plus que les consignes de tri ne sont pas uniformisées en France : tout dépend de la technologie du centre de tri de votre territoire… Vous aurez aussi peut-être remarqué que souvent les poubelles de tri sont aussi des couleurs différentes, on s’y perd ?
A Lyon, on les repère au couvercle jaune et les consignes de tri pour la métropole de Lyon sont disponibles sur le site du Grand Lyon : https://www.grandlyon.com/services/les-consignes-de-tri-des-dechets.html
Quantité, destination et devenir des déchets recyclables à Lyon
À Lyon, 63 613 tonnes de déchets ménagers ont été mis dans une poubelle jaune et collectés. Toutefois, seules 43 700 tonnes ont été effectivement recyclées [0]. Le reste étant des erreurs de tri il repart à l’incinération. Le taux de refus est ainsi de 30 % à Lyon, ce qui est plus élevé que la moyenne nationale (17%)[1] !
Une fois vos déchets collectés, deux destinations possibles selon votre résidence, soit ils prennent la direction du centre de tri de Rillieux la Pape, soit celle de St Fons. Gérés par des prestataires privés (Veolia et Groupe Nicollin), ces centres de tri n’appartiennent pas au Grand Lyon. La métropole passe des contrats avec eux via un marché public. Cette prestation de service court sur une durée de 5 à 7 ans. Ces contrats sont actuellement en renouvellement.
Une fois vos déchets arrivés en centre tri, ils sont déchargés en vrac au sol (Photo 2). Puis, ils vont suivre tout un parcours (cf. Schéma 1) afin de les séparer en différents types de matières (plastique, papier, carton, aluminium, etc). Ces tâches successives sont réalisées par des équipements automatiques mais également à la main par des agents qui effectuent le « sur tri », c’est-à-dire le tri fin. Séparer les matériaux est la condition obligatoire pour pouvoir rejoindre les usines de recyclage propres à chaque matériau (papeterie, plasturgie, export, etc). Ensuite, on ne peut pas dire précisément où sont envoyés en France ou dans le monde les déchets triés, l’information n’étant pas facilement accessible.
Une évolution réglementaire à venir : l’extension des consignes de tri
L’objectif : recycler davantage les emballages et faciliter le geste de tri
La loi de transition énergétique (2015) vise un taux de recyclage de 75% des emballages ménagers. Un des leviers est d’étendre le tri à des matériaux qui n’étaient jusqu’alors pas considérés comme « recyclable » (films plastiques, pots de crème et yaourt, barquette de viande, etc) afin de les « sauver » de l’incinération ou de l’enfouissement. L’extension des consignes de tri se fera, selon l’article 70 de la loi, « progressivement [pour] l’ensemble des emballages plastique sur l’ensemble du territoire avant 2022, en vue, en priorité, de leur recyclage, en tenant compte des prérequis issus de l’expérimentation de l’extension des consignes de tri plastique initiée en 2011 ». Autrement dit, l’extension des consignes de tri consiste à pouvoir mettre plus de choses dans la poubelle jaune, en simplifiant le geste de tri pour l’usager. Votée par l’État, c’est aux collectivités ayant la compétence Déchets de la mettre en application.
A Lyon ?
Pour atteindre cet objectif, les collectivités peuvent travailler avec l’éco-organisme agréé par l’Etat : CITEO. Ce dernier a financé une première expérimentation d’extension des consignes de tri en 2012-13 sur la commune de Villeurbanne pour un montant de près de 200 000€)[2]. Nous nous sommes entretenus avec Thomas FLUSIN, Responsable des opérations chez CITEO, qui nous communique les résultats suivants :
- L’accueil des habitants a été bon, ils ont su jouer le jeu et ont globalement suivi les nouvelles consignes malgré une communication difficile (distinction parfois difficile entre Lyon/Villeurbanne).
- Impact sur la précollecte et collecte : les bacs jaunes déjà en place chez l’habitant suffisaient à accueillir l’augmentation des déchets, tout comme la fréquence de tournées
- Impact sur les centres de tri : les ajustements techniques pour permettre de trier les nouvelles résines plastiques n’étaient pas encore au point. Cette conclusion est partagée par les autres collectivités françaises ayant fait l’expérimentation.
- Performance : seulement 2 kg/an/hab. supplémentaires ont été collectés, ce qui était inférieur aux prévisions.
CITEO proposera chaque année jusqu’en 2022 un appel à candidatures pour accompagner les collectivités prêtes mettre en place cette extension des consignes de tri. La métropole dispose encore légalement de quatre ans pour s’y mettre. En amont, les collectivités doivent remplir certains pré-requis vérifiés par CITEO (taux de remplissage actuel des bacs, adaptation des centres de tri, pérennité des exutoires des nouvelles résines, moyens pour la communication, etc).
Notons qu’avec ce choix d’une poubelle de tri unique et une simplification du tri à la source, la France fait le choix contraire des pays nordiques qui ont eux pris le parti d’avoir une poubelle pour chaque matériau. Séparer les déchets à la source permet d’avoir des flux de matériaux plus pur, donc plus attractifs pour le marché de rachat des matières premières.
Pourquoi le tri et le recyclage ne sont pas des solutions miracles
L’erreur de tri, est le « mauvais » geste de tri, volontaire ou non : c’est quand vous jetez l’ensemble de vos plastiques dans la poubelle jaune alors que seuls les flacons et bouteilles y ont leur place. Le refus de tri, c’est l’ensemble de ces déchets mal triés à la maison. On l’a dit à Lyon, près d’un tiers des poubelles de tri est collecté, transporté vers les centres de tri, passe sur les chaines de tri, pour être identifié comme non désirable ! Ces tonnages sont donc isolés, puis à nouveau transportés, en camion, vers les incinérateurs pour terminer finalement dans les mêmes fours que les déchets de la poubelle grise. Et cela a un coût direct pour la collectivité, et par la même pour nous contribuables, via la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Mais ces étapes de collecte/ tri/ transport ont également des coûts cachés en lien avec leur bilan écologique en termes d’émissions polluantes ou de consommation d’énergie.
Alors, oui mieux trier ses déchets est un premier pas pour mieux gérer nos déchets. Mais quelle est la face cachée du recyclage dans une société toujours en course à la croissance ? En premier lieu, le recyclage répond à une logique de rentabilité. A une époque où l’humanité est capable d’aller dans l’univers et d’avoir recours à l’intelligence artificielle, la technicité du recyclage n’est pas la question centrale. C’est bien le côté lucratif du business qui limite son déploiement.
Pour les filières existantes donc rentables, elles permettent bien de réutiliser la matière donc de limiter l’extraction de matières premières vierges. Pourtant elles n’en sont pas moins synonymes de transport – parfois à l’autre bout du monde, de consommation d’énergie – souvent fossile et d’émissions polluantes diverses – à plus ou moins long terme. Enfin, finissons-en avec le mythe du 100 % recyclable. Il y a toujours une perte de matière qui s’altère au fur et à mesure des cycles de recyclage. Le papier ne se recycle que 3 à 4 fois. Les matériaux plastique eux se sous-cyclent plus qu’ils ne se recyclent, c’est-à-dire qu’on refait aujourd’hui peu de bouteilles avec des bouteilles, les matériaux triés permettent de créer de nouveaux produits eux, non recyclable, ah le mythe de la polaire s’effondre !
Alternatives
Pour reprendre les mots de Flore Berlingen, directrice de Zero Waste France, « valorisons par le recyclage ce qui peut encore l’être, mais gardons à l’esprit que le procédé parfait, sans pollutions ni pertes et consommations, n’existe pas, quel que soit le matériau considéré (…) Ce qu’il nous reste à faire en amont de cette étape de recyclage est beaucoup plus riche de sens, d’activités, d’échanges, de vie. »
Ne nous laissons donc pas flouer, par un tout recyclage qui ne fait que déculpabiliser les bons consommateurs que nous sommes ! Ayons la curiosité de revoir nos pratiques et l’impact réel de nos comportements.
A l’échelle de la collectivité, trions ce qui peut l’être et limitons les gaspillages des refus de tri avec une meilleure communication
Des campagnes de sensibilisation comprenant des affichages ciblés en ville et le déploiement d’ambassadeurs du tri[3], couplé à des opérations de sensibilisation sur la prévention des déchets sont autant d’actions qui ont fait leurs preuves dans d’autres villes françaises. Cela requiert évidemment des moyens et une volonté politique, exigeons là !
Pourquoi pas une incitation financière, des contrôles et amendes pour les mauvais trieurs ?
Plusieurs collectivités le font à l’étranger et en France (Besançon[4], SIVOM[5]…) pour une contravention de 35€ en moyenne. A Lyon l’habitat étant majoritairement collectif, le mauvais trieur pourrait pénaliser tout son immeuble. Ce n’est pas donc pas une solution socialement acceptable. Mais peut être qu’une tarification du service de gestion des déchets en lien avec la production peut être un bon début pour amorcer les prises de conscience.
A l’échelle individuelle, visitons un centre de tri pour se rendre compte de la quantité, des conditions de travail et des coûts
Il est possible de visiter les centres de tri pour mieux en comprendre leur fonctionnement et réaliser la quantité de déchets amenée et triée ! Vous vous rendrez compte aussi des conditions de travail des employés. Vous pouvez vous y rendre seul en prenant rdv préalablement ou rejoindre une visite groupée via Zéro Déchet Lyon, Mouvement de Palier, Aremacs ou encore la MJC Confluence. Pas le temps ? Vous pouvez lire le récit de Jeanne qui a visité le centre de tri de Rillieux.
Refusons les (sur)emballages ?
Faire ses courses en mode zéro déchet est de plus en plus aisé à Lyon, sur les marchés, en épicerie vrac, ou chez des commerçants de proximité qui vous soutiendrons dans la démarche. Retrouvez sur notre les commerces partenaires du MCZD (Mon Commerce Zéro Déchet).
Mettons un stop Pub sur nos boîtes aux lettres, refusons les tracts publicitaires, non nous ne tuerons l’économie en supprimant des emplois, nous créerons une société avec des emplois qui ont plus de sens. Et rejoignez le groupe FB « Balance ta pub » afin de dénoncer les non-respects des autocollants « Stop Pub » (ce qui est une infraction !).
Source :
[0] Rapport annuel 2015 sur le prix et la qualité du service public d’élimination des déchets, Grand Lyon Métropole
[1] https://www.actu-environnement.com/ae/news/centres-tri-recyclables-france-technologie-flux-18219.php4
[2] Délibération n°2014-0502
[3] A Lyon, découvrez l’association Mouvement de Palier qui est le vecteur d’une sensibilisation citoyenne du tri entre voisins.
[4] https://www.francebleu.fr/infos/societe/grand-belfort-35-euros-d-amende-pour-les-mauvais-trieurs-de-dechets-1504721558
[5] https://www.sivom.com/consignes-de-tri/le-reglement-de-collecte/
Voir tous nos plaidoyers
je ne peux pas être d’accord avec vous quand vous affirmez que trier n’est pas simple. Depuis que tous les plastiques d’emballage sont recyclable dans la métropole de Lyon, c’est on ne peut plus simple. Et pourtant les poubelles jaunes de mon immeuble sont pleines de sacs poubelle remplis de on ne sait pas quoi, de déchets alimentaires, de déchets non recyclable (mobilier en plastique), de déchets médicaux (en ce moment c les masques)… le problème c’est la fainéantise des citoyens qui ne veulent même pas utiliser leur cerveau 2 secondes pour savoir ce qu’il faut mettre dans la poubelle jaune.
Vous critiquez l’aspect lucratif du recyclage, mais vous en connaissez beaucoup de philanthropes qui vont construire des usines de recyclage ? C’est notre société d’aujourd’hui, personne ne travaille pour rien…
Bien sur ce serait mieux de ne pas créer de déchets, la dessus on est d’accord. Mais pourquoi ça ne marche pas ? parce qu’il faut faire des efforts! c’est un peu comme trier les déchets, il faut aussi faire des efforts….
Bonjour, merci pour votre commentaire.
Quelques précisions s’imposent car l’article a deux ans et demi déjà et effectivement l’évolution des consigne de tri est passée par là.
Attention il ne faut pas penser que l’extension des consignes de tri signifie plus de matières recyclées ensuite, la variété de filières de revalorisation restent toujours aussi faible. Cette extension permet simplement une meilleure « qualité » de tri car elle est réalisée en usine directement et donc permet une usine de tri « rentabilisée » car moins de refus vers les incinérateurs et plus de matières triées revendues.
Quant aux mauvais trieurs, nous ne sommes pas tous sensibles de la même façon à cette problématique c’est pourquoi notre association existe, c’est un gros problème de prévention et d’éducation principalement. Nous demandons justement aux candidat·e·s du prochain mandat pour la Métropole de Lyon de renforcer le budget Prévention et de le fusionner avec le Service de Gestion pour mieux coordonner les actions publiques locales. Il faut plus d’éducation citoyenne de façon générale pour expliquer aux habitant·e·s les enjeux derrière nos poubelles. C’est pourquoi également nous demandons aussi aux candidat·e·s de mettre en place la Tarification Incitative afin d’encourager les citoyen·ne·s à prendre conscience de leur production de déchets (tarification avec base fixe et part variable annexée sur le volume ou le poids produit). Les résultats de ce système sont très positifs sur les communes françaises et européennes qui l’ont déjà mis en place. Je vous invite à prendre connaissance de nos 10 propositions pour la Métropole qui permettraient toutes d’accompagner les citoyens à produire moins de déchets, à créer des emplois directs et non délocalisables et une vraie dynamique d’économie circulaire locale et solidaire. Si les alternatives zéro déchet (magasins vrac déployés, lieux de réparation démultipliés etc) rentrent dans le paysage quotidien des citoyen·ne·s il n’y aura plus « d’effort » à faire ! Ces propositions sont toutes basées sur des projets déjà en place en France ou eu Europe et ils fonctionnent.
Concernant le côté lucratif du tri sélectif, c’est un fait que les déchets sont aujourd’hui un marché mondial, et cela entre malheureusement en contradiction avec des politiques de prévention fortes, et explique pourquoi certains flux ne seront jamais recyclés et pourquoi d’autres sont mis à mal (https://www.usinenouvelle.com/article/satures-les-centres-de-tri-pourraient-refuser-les-papiers-cartons-des-collectivites.N867910). De plus les contrats privés que les collectivités signent faute de pouvoir assurer elle-même les services sont très contraignants et coûteux, c’est tout autant d’argent public qui pourraient être utilisé ailleurs si notre production de déchets était moins conséquente.
En espérant avoir répondu à vos attentes,
L’équipe ZDL