Zéro déchet et économie circulaire : décryptage des propositions électorales

Cet article a été rédigé par Zero Waste France et publié sur leur site. Nous le relayons.

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L’économie circulaire, grande absente des programmes pour les présidentielles ? Pas tout à fait. Plan national zéro déchet, lutte contre l’obsolescence programmée, hausse de la taxe générale sur les activités polluantes… La plupart des programmes des candidats à l’élection présidentielle font allusion de près ou de loin à la problématique des déchets. L’ambition zéro déchet a fait son chemin, et surtout, le potentiel de création d’emplois associé à la transition vers une économie circulaire ne peut être ignoré par les candidats. Leurs propositions ont cependant des ambitions très variables.

A trois semaines du premier tour du scrutin, Zero Waste France s’est plongée dans les programmes des candidats et vous propose un décryptage complet !

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Incursion timide via la lutte contre l’obsolescence programmée, pour Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan

Si la candidate du Front National, Marine Le Pen, met en avant une “écologie patriote”, la question des déchets n’est pas directement évoquée dans son programme. Cependant, l’économie circulaire est abordée par le Collectif Nouvelle Écologie (groupe de travail du FN et du rassemblement Bleu Marine) dans ses “21 propositions pour une écologie patriote du XXIème siècle”, et notamment la lutte contre l’obsolescence programmée pour redonner du pouvoir d’achat aux Français. Il reprend par exemple la proposition d’affichage obligatoire de la durée de vie des appareils électroménagers (la Loi de transition énergétique prévoit pour l’instant des expérimentations dans ce domaine) et d’une loi rendant les pièces détachées abordables.

L’obsolescence programmée constitue également la principale référence à l’économie circulaire dans le programme de Nicolas Dupont-Aignan. Le candidat de Debout la France envisage davantage de contrôles, voire l’interdiction du produit dans les cas d’obsolescence programmée avérés. La réutilisation et le recyclage sont aussi mis à l’ordre du jour, lorsque le candidat parle de faire des collectivités locales « le bras armé de l’écologie de proximité » : les recycleries pourraient ainsi bénéficier de financements issus d’une nouvelle part commune dans la Dotation Globale de Financement (DGF) allouée aux collectivités, et conditionnée par la réalisation de certains investissements en matière d’écologie. Mais le candidat associe aussi économie circulaire et valorisation énergétique. Il propose ainsi de construire des méthaniseurs disséminés dans la campagne et d’augmenter les performances des incinérateurs, en récupérant davantage les métaux présents dans les cendres et résidus imbrûlés (appelés mâchefers). Dans le même ton, il envisage la création d’un réseau de cimenteries alimentées par des combustibles solides de récupération (CSR), c’est à dire des déchets sélectionnés et préparés dans cet objectif. On est alors loin de l’économie circulaire ou du zéro déchet, qui privilégie toujours la réutilisation et le recyclage sur la combustion des déchets.

François Fillon envisage de jouer sur la fiscalité pour réduire la mise en décharge

Aucune des 15 mesures phares de François Fillon ne porte sur l’écologie. En cherchant bien, nous avons déniché son document préalable sur l’environnement publié au moment des primaires mentionnant la nécessité de “faire des déchets une ressource” et de promouvoir les principes de l’économie circulaire. Le candidat Les Républicains veut par exemple étendre l’obligation de récupération par les industriels de leurs produits en fin de vie et permettre aux particuliers de revendre leur matériel électronique obsolète à des organismes spécialisés. Ces mesures seraient appuyées par le recours aux outils fiscaux, notamment un taux de TVA réduit pour les produits composés à plus de 50 % de matériaux recyclés et surtout une hausse de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) applicable à la mise en décharge. Rien n’est dit par contre sur une éventuelle trajectoire à la hausse de la TGAP pour l’incinération. Or les exemples de certains pays européens comme le Danemark montrent que la seule taxation de la mise en décharge n’est pas suffisante pour favoriser de véritables avancée en matière d’économie circulaire. Elle doit au contraire être intégrée à des politiques plus larges alliant limitation des capacités d’incinération, fiscalité écologique et obligation de moyens, notamment via la tarification incitative et la collecte séparée des biodéchets.

L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE POUR SOUTENIR LA COMPÉTITIVITÉ CHEZ EMMANUEL MACRON

Pour le candidat d’En Marche !, qui veut faire de l’économie circulaire un “nouveau modèle économique”, il s’agit avant tout de mobiliser un réservoir d’emplois et d’adresser la problématique de la compétitivité. Ainsi, l’économie circulaire présente un intérêt du point de vue des coûts (par la maîtrise du coût des intrants, une meilleure valorisation des déchets et la promotion de l’éco-conception), comme d’autres facteurs de compétitivité (matériaux, processus et modes de conception innovants). Emmanuel Macron souhaite lui aussi augmenter les taux de TGAP, à la fois sur l’incinération et la mise en décharge, afin d’atteindre un objectif de “100 % de plastique recyclé sur tout le territoire” et de diviser par deux les déchets mis en décharge en 2025, objectif d’ores et déjà fixé par la loi de transition énergétique (LTE). D’après lui, cela passe également par le soutien aux solutions industrielles dans le domaine du recyclage et du traitement des déchets. Parmi les entreprises que l’Etat devrait soutenir, en entrant par exemple au capital de certains de leurs projets, Suez et Veolia figurent ainsi en bonne position.

Benoît hamon et jean-luc mélenchon explorent le zéro déchet

A gauche de l’échiquier politique, les programmes évoquent explicitement le zéro déchet : Plan national zéro déchet pour Benoît Hamon, Loi « zéro déchet » pour Jean-Luc Mélenchon. L’économie circulaire est aussi concernée par la proposition du candidat de la France Insoumise de constitutionnaliser une « règle verte », qui imposerait de ne pas prélever sur la nature davantage que ce qu’elle peut reconstituer, ni de produire plus que ce qu’elle peut supporter. Un principe a priori séduisant, comme le note Greenpeace, mais dont la mise en œuvre suscite de nombreuses questions.

Les deux candidats se rejoignent dans leurs visions sur la lutte contre le gaspillage et l’obsolescence programmée. L’accord conclu entre le PS et Europe Ecologie Les Verts (EELV) prévoit une modulation de la TVA en fonction de la durée de vie des produits et de leur potentiel de revalorisation et de réparation, afin d’encourager la réutilisation et l’éco-conception. Pour Jean-Luc Mélenchon, c’est avant tout l’allongement de la garantie légale qui permettra de lutter contre l’obsolescence programmée des produits.

Les propositions des candidats divergent quant à l’évolution des installations de traitement : Benoît Hamon promet la sortie de l’incinération, une mesure issue de l’accord avec EELV. Pas de sortie de l’incinération pour le candidat de la France Insoumise, mais seulement une obligation de valorisation énergétique pour toutes les installations. Le livret consacré aux déchets publié en marge du livre-programme prévoit cependant une remise en cause des projets d’installations qui font aujourd’hui débat, comme l’incinérateur d’Ivry-Paris XIII ou le stockage souterrain de déchets dangereux StocaMine à Wittelsheim, en “s’appuyant sur l’implication citoyenne et la coopération des acteurs”.

Pour atteindre ses objectifs de réduction des déchets et d’augmentation du tri, Jean-Luc Mélenchon mise sur une meilleure communication, des objectifs chiffrés de prévention au sein des filières de responsabilité élargie des producteurs et l’obligation de tri pour tous les producteurs de déchets.

Biodéchets et recyclage : deux axes à privilégier pour réduire le volume des poubelles

L’allègement des poubelles passe aussi par la valorisation des déchets organiques, une mesure déjà présente dans la LTE qui généralise le tri à la source des déchets organiques pour tous les producteurs à l’horizon 2025. Pour Jean-Luc Mélenchon, c’est surtout le compostage de proximité (individuel ou de quartier) qui est avancé comme solution à privilégier. Pour Benoît Hamon, la réduction des déchets ne se fera pas sans un effort plus important de la part des métropoles, à qui il imposera une obligation de recycler au moins 50 % de leurs déchets d’ici à 2022. Une initiative sensée, puisque les métropoles génèrent de grandes quantités de déchets et sont à la traîne dans leurs performances de recyclage, mais il faut noter que ce seuil est néanmoins moins ambitieux que les objectifs fixés par la LTE (55 % en 2020 et 65 % en 2025) et plus récemment par le Parlement européen dans le cadre du paquet Economie circulaire (70% de déchets recyclés d’ici à 2030 et 80% pour les emballages). De plus, la constitutionnalité d’une telle mesure se pose, car fixer un seuil propre aux métropoles semble a priori contrevenir au principe d’égalité entre les collectivités territoriales.

Sortir du “tout jetable” et favoriser l’éco-conception

Le candidat de la France Insoumise préconise la fin du “tout jetable” pour faire la transition vers une véritable économie circulaire. Cela passe en premier lieu par le soutien à l’éco-conception, que Benoît Hamon propose aussi d’encourager fiscalement. Selon Jean-Luc Mélenchon, les innovations industrielles devraient être appuyées par le développement de formations universitaires dans ce domaine, l’allocation de fonds de recherche et développement – notamment sur la question de la réparabilité – et le soutien aux réparateurs et aux structures telles que les ressourceries. Le livret “Déchets” insiste également sur la nécessité de développer l’économie d’usage plutôt que la possession à tout prix, à travers des dispositifs de location, de prêt et de mutualisation. Enfin, Jean-Luc Mélenchon propose l’interdiction pure et simple des emballages non recyclables – ce levier d’interdiction existe en fait déjà, mais est rarement voire jamais activé –  et la réintroduction de la consigne, notamment pour les emballages de boissons, des commerces de proximité aux grandes surfaces. Une initiative qui fait déjà ses preuves à l’échelle locale dans certains territoires, et que d’autres pays européens essaient également de généraliser.

Nous nous sommes efforcés de présenter de façon claire et précise les propositions, en les mettant en perspective par rapport au droit existant ou aux écueils à éviter pour le zéro déchet. Quant aux six autres candidats à l’élection présidentielle, la question des déchets et de l’économie circulaire n’est pas abordée dans leurs programmes.

Découvrez ici les Cinq propositions de Zero Waste France pour un quinquennat zéro déchet

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