Toussaint Peu pollueur…

Vous êtes plutôt commémoration des défunts, Halloween Party, les deux ? Quoi qu’il en soit, novembre est le bon moment pour réfléchir à ce que nous devenons après la mort.

Les rites funéraires existent depuis des millénaires, ils sont considérés comme un des fondements du passage à la civilisation. C’est un sujet éminemment culturel : chaque société et chaque individu a ses codes, ses traditions, ses représentations. 

Et, en France, que devenons-nous une fois mort.e.s ? Nos rites funéraires ont-ils des impacts environnementaux importants ? Génèrent-ils beaucoup de déchets ?

Pourquoi parler des déchets de la mort ?

Les deux modes de sépulture autorisés en France sont l’inhumation et la crémation [1].
L’inhumation (ou enterrement) consiste à placer un cercueil dans une tombe dans un cimetière.

La crémation (souvent appelée « incinération ») se déroule dans un crématorium. A l’issu du processus de crémation, les cendres sont placées dans une urne cinéraire. Ensuite il est possible soit de :

  • Inhumer l’urne dans une case de columbarium, dans une concession familiale ou dans un caveau cinéraire.
  • Sceller l’urne sur la concession familiale, au sein d’un contenant prévu à cet effet.
  • Disperser les cendres dans un espace spécialement aménagé à cet effet au sein d’un cimetière ou en pleine nature.

La métropole de Lyon compte plusieurs cimetières, dont 9 sur la ville de Lyon, et 2 crématoriums [2]. En 2018, seulement sur la commune de Lyon, il y a eu 6 909 décès [3].

Quels sont les impacts sur l’environnement de ces modes de sépulture ? Lequel des deux est le plus impactant pour l’environnement ? Lequel choisir si on veut réduire nos émissions de gaz à effet de serre ou notre consommation d’énergie après la mort ?

Crémation ou inhumation ?

Chacun a ses impacts et ses émissions, liés :

  • Aux infrastructures elles-mêmes : construction, entretien, gestion des rejets, traitement des déchets générés…
  • Aux éléments et objets associés aux rites de sépulture : approvisionnement, fabrication et distribution des cercueils, urnes, monuments…

L’association DURAPOLE/VERTEEGO a réalisé pour les services funéraires de la ville de Paris une étude comparative portant sur l’impact environnemental entre les rites de crémation et d’inhumation en région parisienne (octobre 2017) [4].

Saviez-vous qu’un billet pour l’au-delà, option « inhumation », représente en termes d’émission de C02 l’équivalent de 84% d’un aller-retour Paris New-York, soit 11% des émissions annuelles d’un français, alors que la crémation ne représente que la moitié de l’aller (23% du voyage aller-retour) !!

Les principales conclusions de l’étude sont les suivantes : 

  • Pour l’inhumation, la sépulture constitue la principale source de gaz à effet de serre (88% des émissions de gaz à effet de serre selon l’étude). Cependant les émissions sont très variables en fonction de la sépulture choisie, elles dépendent surtout de la quantité de béton nécessaire, car la fabrication du béton est très énergivore.
  • Pour la crémation, la principale source de gaz à effet de serre est liée à la consommation de gaz pour le fonctionnement de l’incinération (plus de 50% des émissions selon l’étude). Viennent ensuite les émissions liées au crématorium lui-même (bâtiment et équipements). Rappelons que détruire par le feu un corps humain n’est pas chose aisée… La crémation doit se faire à plusieurs centaines de degrés pendant environ 1h30 !

Au-delà des 3 critères de comparaison de cette étude, on peut identifier d’autres sources d’impacts :

  • les cimetières, très minéraux, peuvent participer aux phénomènes d’îlots de chaleur ;
  • l’entretien des espaces verts engendre encore très souvent des consommations de produits phytosanitaires et de ce fait des pollutions de l’eau ;
  • la crémation génère des fumées qu’il faut traiter, et de ce fait des sous-produits à éliminer (comme pour l’incinération des ordures ménagères !) ;
  • la crémation conduit à des rejets de mercure importants (issu des amalgames dentaires notamment) estimés à 7 tonnes par an [5] ;
  • le choix des accessoires, les bouquets de fleurs, etc. a également des impacts.

Rappelons aussi que la plupart des corps sont préparés avant d’être enterrés : la thanatopraxie, dont l’objectif est de redonner un aspect « vivant » à nos mort-e-s, utilise des pesticides, des biocides et autres fongicides généralement essentiellement à base de formol. Dans le cas de l’inhumation, les corps sont enterrés et leur décomposition entraîne donc la production de liquides toxiques qui terminent leur course dans les nappes phréatiques. 

Qu’est-ce que je peux faire, moi, à mon échelle?

Pour une mort qui tend vers le « zéro déchet » ou le « zéro émission », des solutions existent !

Il faut déjà s’interroger sur le type de cercueil à choisir. En effet, ils nécessitent des matières premières (bois, vernis, teintures) et de l’énergie pour leur fabrication et leur transport.

Du point de vue des gaz à effet de serre, l’apport calorifique d’un cercueil en bois est considérable et permet de limiter la consommation de gaz.

Du point de vue des autres indicateurs, il est possible de privilégier les cercueils certifiés écologiques, qui présentent les avantages suivants par rapport aux cercueils standards : poids du cercueil, accessoires auxiliaires utilisés non en métal mais en bois, colles utilisées, linceuls à base de matières recyclées.

En France, il y a environ 600 000 décès par an qui impliquent la consommation d’environ 100 000 stères de bois.

Pour l’inhumation, on peut privilégier la pleine terre sans monument, les impacts sont 7 fois plus faibles que ceux de l’inhumation en caveau avec monument.

On peut aussi :

  • Plaider auprès des services de sa ville pour végétaliser les cimetières, et pour permettre à la flore de se développer : réduction des îlots de chaleur, augmentation de la biodiversité…
  • Faire attention aux choix de « consommations » : origine des fleurs…

Autre possibilité, l’humusation ?

L’humusation

En résumé, c’est la décomposition des corps pour être transformé en humus ! Voilà le principe. [6]

Sur un terrain sécurisé réservé uniquement à la réalisation de l’Humusation, une place d’environ 6 m² est réservée pour un an. 

Le défunt est enveloppé dans un linceul en tissu biodégradable puis déposé sur un lit de plus ou moins 20 cm d’épaisseur, fait d’un mélange de bois d’élagage et de lignite broyés. Environ 2 m³ de ce mélange est utilisé pour couvrir intégralement le corps.

Le tas est ensuite ajusté puis recouvert d’une couche faite de paille, de feuilles mortes broyées, éventuellement mélangées avec de la tonte d’herbe séchée. Une stèle en bois ou en pierre locale peut y être érigée. 

Ensuite a lieu le processus contrôlé de transformation des corps par les micro-organismes présents dans le sol. Le lit végétal entre en fermentation et dégage une chaleur naturelle, la forte élévation de la température tue les germes pathogènes (comme pour le compostage de déchets verts !).

Après environ 3 mois, la butte végétale est ouverte, les prothèses métalliques et/ou en matériaux non biodégradables sont retirées, les os et les dents sont sortis pour être broyés et réduits en poudre (comme pour les crémations car ils sont incombustibles !).

En une année, l’humusation du défunt produit plus ou moins 1,5 m³ de compost, et les proches peuvent récupérer un seau de ce compost s’ils le souhaitent.

Ce procédé permet un gain économique et environnemental par rapport à l’inhumation et la crémation, du fait de l’absence de cercueil, de besoin énergétique pour la crémation, et de construction et d’entretien d’un cimetière ou d’un crématorium. Il permet aussi de conserver la matière organique pour fertiliser les sols et d’éviter les rejets de polluants liquides ou atmosphériques.

A ce jour interdit en France, une variante de ce processus, appelée Recompose, va devenir légal dans l’État de Washington, où la loi a été approuvée le 21 mai 2019 et entrera en vigueur d’ici mai 2020. Selon le gouverneur, cette méthode serait un « effort réfléchi pour réduire notre empreinte environnementale ». [7]

Des exemples inspirants

Des cimetières écologiques existent déjà, comme le cimetière naturel de Souché à Niort ! [8]

Ce cimetière a été conçu par les services municipaux en harmonie avec le patrimoine végétal du site : les surfaces minérales ont été réduites, et une gestion raisonnée est mise en œuvre en laissant la place à la végétation spontanée.

Déposé en pleine terre, dans un cercueil ou une urne en matériaux biodégradables, le défunt ne reçoit plus de soins de conservation. Le mémorial traditionnel est remplacé par une pierre en calcaire discrète. Un espace de dispersion des cendres est également mis à la disposition des familles.

Comme quoi, c’est possible ! 

Notre démarche zéro déchet peut être vivante jusqu’après la mort, entrainant avec elle de nombreux avantages pour l’environnement et pour le cadre de vie des habitant-e-s.

SOURCES

[1] https://polefunerairepublic.com

[2] https://www.lyon.fr/equipements

[3] INSEE, fichier des décès 2018

[4] https://www.servicesfuneraires.fr/content/uploads/2018/07/2017-etude-SFVP-Durapole-Verteego-Etude-environnementale.pdf ; https://www.servicesfuneraires.fr/content/uploads/2018/07/2017-SFVP-Durapole-Verteego-Etude-sur-l%E2%80%99empreinte-environnementale-des-rites-funeraires-CP.pdf

[5] https://www.humusation.org/ Fondation « Métamorphoses pour mourir puis donner la vie »

[6] https://cridel.fr/fiches/enterrement/humusation-alternative-ecologique

[7] https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Ethique/Etats-Unis-lhumusation-corps-desormais-legalisee-2019-05-02-1201019094

[8] https://www.vivre-a-niort.com/fr/cadre-de-vie/gestion-ecologique-des-espaces-publics/cimetiere-naturel-de-souche/index.html

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