Affichage environnemental sur le textile : véritable avancée ou greenwashing ?

L’affichage environnemental du textile, prévu pour l’automne 2024, permettra d’évaluer l’impact des vêtements sur l’ensemble de leur cycle de vie. Cette initiative, inscrite dans la loi AGEC et répondant aux recommandations de la Convention Citoyenne pour le Climat ainsi qu’à la loi Climat et Résilience, marque un premier pas historique pour lutter contre la surproduction textile et la “fast fashion”.

Adopté par les députés, cet affichage sera compatible avec la méthode « Product Environmental Footprint » (PEF) de la Commission Européenne. Il répond à une réelle demande des citoyen·nes : 74% des Français aimeraient avoir plus d’informations sur l’impact environnemental et sociétal des produits qu’ils achètent (14ème baromètre de la consommation responsable Greenflex et ADEME – 2021).

L’affichage environnemental sera mis en place de manière volontaire pour les produits textiles et alimentaires en 2024 avant de devenir obligatoire en 2025. Progressivement, cette mesure s’étendra à d’autres catégories de produits telles que l’électronique, les cosmétiques et les articles d’ameublement.

Comment ça marche ?

Ce nouveau système de notation, semblable au Nutriscore pour les produits alimentaires, évalue l’impact environnemental de chaque vêtement tout au long de son cycle de vie, de l’extraction des matières premières à la gestion de sa fin de vie via un score exprimé en « points d’impact ». Plus le score est élevé, plus l’impact environnemental du produit est néfaste pour l’environnement.

L’objectif : responsabiliser tant les acteurs·rices de la fast fashion, y compris les plateformes de commerce en ligne, que les consommateurs·rices.

Ainsi, les structures de mise sur le marché (entreprises, startups, associations, etc.) devront mesurer l’impact de leur produit et y indiquer leurs score. L’outil « Ecobalyse » a été mis à leur disposition à cet effet. Il permet d’estimer rapidement les impacts environnementaux d’un produit à partir de quelques critères :

  • La matière et son origine géographique ;
  • Le poids du produit ;
  • La durabilité : elle comprend à la fois la durabilité physique (capacité du vêtement à résister à l’usure physique liée à son utilisation et son entretien) et la durabilité non physique (propension qu’aura le vêtement à être porté plus longtemps en fonction d’autres critères tels que la réparabilité, l’attachement affectif, etc.). Cet aspect sera présenté sous un coefficient de durabilité allant de 0,5 pour les produits les moins durables et 1,5 pour les produits les plus durables;
  • Les modalités de fabrication du produits (filature, tissage ou tricotage, confection, teinture, ornementation);
  • L’usage (c’est-à-dire le nombre de fois où le produit sera porté);
  • La gestion de sa fin de vie.

Ces critères seront reliés à ceux de la méthode européenne PEF qui prend en compte l’impact environnemental sur le climat, la biodiversité et les ressources naturelles.

En prenant l’exemple d’un t-shirt en coton biologique fabriqué en France par une marque éthique, celui-ci pourrait avoir un impact environnemental estimé à 489 points. A l‘inverse, un t-shirt en coton conventionnel fabriqué en Chine par une marque de fast fashion aurait un coût environnemental d’environ1534 points.

Concrètement, les entreprises devront transmettre le coût environnemental de leur(s) produit(s) dans un portail déclaratif dédié à cet effet. Pour le moment, les délais de mise à jour des scores par les entreprises seront spécifiques selon les situations (entre 6 mois et un an) mais cela reste à définir. Pour le grand public, un visuel affichant la notation s’échelon­nant de A à E sera ajouté sur les étiquettes afin comprendre l’impact du vêtement assez rapidement et facilement.

Une pénalité financière basée sur l’affichage environnemental des vêtements est prévue afin de sanctionner les produits et les marques ayant un score trop élevé et donc ayant un impact environnemental fort.  

Les points forts de l’affichage environnemental  

Cette nouvelle mesure propose des avancées intéressantes pour contrer l’impact du textile :

  • Plus de transparence pour les consommateurs grâce à un affichage direct sur les produits.
  • Responsabilisation des grandes enseignes et plateformes de commerce en ligne : en rendant visible l’impact environnemental des produits, l’image de marque des producteurs·rices de produits ayant un fort impact environnemental peut être affectée. Cela pourrait donc les encourager à adopter de meilleurs pratiques et réduire le « greenwashing ».
  • Prise en compte de la durabilité globale : l’outil prend en compte non seulement la durabilité physique (résistance à l’usage), mais aussi la durabilité non-physique, à savoir l’attachement et la réparabilité du produit. Cela se rapproche par exemple de l’indice de réparabilité en vigueur pour certains produits électriques.
  • Valorisation des pratiques d’eco-conception : en valorisant les produits à faible impact environnemental, le système incite les fabricant·es et distributeurs·rices à adopter des pratiques responsables et utiliser des matériaux durables.
  • Mise en place de pénalités financières pour les produits à fort impact environnemental : les produits qui nuisent fortement à l’environnement devraient être pénalisés, ce qui devrait inciter les entreprises à faire des efforts dans le processus de production de leurs produits. De plus, si ces informations sont rendues publiques elles pourraient entacher l’image de marque, renforçant ainsi l’incitation.
  • Redistribution partielle des fonds collectés vers des filières de réemploi : il est prévu que ces pénalités soient réinvesties dans des initiatives de réemploi et de recyclage. Cet aspect reste à préciser et doit être maintenu car essentiel à nos yeux.

Les points de vigilance pour la suite

Malgré ces avancées significatives, certains points mériteraient d’être approfondis afin de renforcer l’impact de la mesure :

  • Absence de prise en compte de certains produits : seuls les produits textiles sont concernés. Les chaussures et articles contenant plus de 20 % de cuir sont par exemple exclus du dispositif.
  • Nécessité de précision sur les critères pris en compte et le calcul Ecobalyse : certains critères tels que l’impact des émissions de gaz à effet de serre, les atteintes à la biodiversité, la consommation des ressources naturelles, les pollutions des milieux et des environnements n’apparaissent pas dans la nouvelle version d’Ecobalyse. Or, elles sont censées entrer dans le score final. Si ce sont les marques qui font elles-même les calculs, ces paramètres pourraient être mis de côté, les notes n’auraient plus rien de réaliste et ni d’exhaustif quant aux impacts à faire connaître. Il en est de même pour l’obsolescence émotionnelle, c’est-à-dire les facteurs qui poussent les consommateur·ices à de nouveaux achats et qui réduisent le temps d’utilisation de chaque vêtement. Ce paramètre pourrait notamment sanctionner les marques de la fast fashion qui jouent sur les effets de mode en encourageant au renouvellement perpetuel des achats. A ce stade, difficile de savoir comment il va être pris en compte ni s’il se sera réellement.
  • Manque de précision sur la durabilité : la durabilité est le seul critère évalué directement via un score. Reste à voir s’il sera affiché clairement, permettant ainsi aux consommateurs·rices de juger de la qualité du produit dans le temps, ou s’il sera simplement inclus et “noyé” dans le score final.
  • Absence d’exigences de transparence sur les quantités mises sur le marché : l’un des gros problèmes concernant la fast fashion est la quantité de nouveaux produits mis en vente. Certaines marques ajoutent de nouveaux modèles toutes les secondes, poussant ainsi à la consommation de masse. Or, cet impact n’est pas pris en compte actuellement.
  • Absence de prise en compte de l’aspect social : l’affichage prévu est purement environnemental et ne prend en compte aucun critère social tel que les conditions de travail. Cela aurait pourtant été dans la continuité du devoir de vigilance déjà en vigueur dans le secteur textile dans le but de contrôler l’ensemble de la chaine de production et ainsi limiter les abus.
  • Influence des lobbies de l’industrie textile : de nombreuses marques sont invitées à tester et participer au processus de construction de la plateforme Ecobalyse et pourraient affecter l’avancée de l’affichage et la façon d’analyser l’impact.
  • Imprécision des sanctions et de leur utilisation : aujourd’hui, il n’existe aucune indication concernant le score à partir duquel des sanctions seraient appliquées, ni leurs montants. De la même manière, on ne sait pas encore si et comment les fonds seront redistribués.

Ainsi, si cet affichage présente, sur le papier, des avancées majeures pour l’encadrement du secteur textile, il mériterait d’aller plus loin dans les critères pris en compte. Par ailleurs, des zones d’ombre persistent sur le mode d’application de certains critères, les sanctions applicables et le contrôle des informations fournies par les marques. Reste à voir si cette règlementation sera à la hauteur de ses ambitions ou si elle alimente les techniques de “greenwashing” de certaines entreprises.

En attendant, il existe de nombreux outils pour s’informer, comme le Guide de résistance à la fast-fashion de Zero Waste France, à consulter gratuitement en ligne ou des blogs plein de bons conseils comme celui de LOOM “La mode à l’envers”.

Sources

https://affichage-environnemental.ademe.fr

https://www.lesmouettesvertes.fr/blog/engagements-ecologiques/eco-score/

https://fabrique-numerique.gitbook.io/ecobalyse

https://www.zerowastefrance.org/affichage-environnemental-textile/

https://ecobalyse.beta.gouv.fr/

https://www.actu-environnement.com/ae/news/presentation-calcul-cout-environnemental-vetement-affichage

https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/laffichage-environnemental-produits-services-hors-alimentaire

https://www.economie.gouv.fr/cedef/affichage-environnemental

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