Les déchets ne font pas l’école buissonnière …

On parle souvent de l’exemplarité du système scolaire : l’école est, en effet, l’un des premiers lieux d’apprentissage de nos jeunes… C’est pourquoi, de la primaire au lycée, ils sont la cible de la sensibilisation aux bonnes pratiques : tri, lutte contre le gaspillage ou réduction des déchets.
Mais ces bonnes pratiques sont-elles mises en place dans le système scolaire ? Zéro Déchet Lyon vous emmène dans les poubelles des écoles : entre gaspillage alimentaire et emballages recyclables non triés, il y a encore quelques efforts à faire pour atteindre l’exemplarité !

Écoles … Mais de quoi on parle ?

Pas si simple ! On peut distinguer ce qui relève :

  • de l’éducation nationale (de l’état) : programmes pédagogiques et professeurs ;
  • des collectivités territoriales : restauration scolaire, mobiliers, employés, bâtiments.

Pour chaque action proposée, il ne faut pas se tromper d’interlocuteur ! S’il s’agit d’inscrire la thématique des déchets dans le cadre du programme pédagogique, l’action relèvera de l’éducation nationale. En ce qui concerne la mise en place d’un composteur ou d’une boîte à partage, il faudra plutôt se tourner vers les échelons territoriaux. Encore faut-il savoir lesquels !

Car, tous les établissements scolaires relèvent d’un échelon différent, ce qui explique les disparités qui existent entre eux. On vous propose un décryptage du mille-feuille territorial grâce à ce schéma. Accrochez-vous bien !

Les collectivités peuvent donc faire le choix de gérer elles-mêmes leurs équipements scolaires (en régie directe) ou de faire appel à un prestataire (Délégation de Service Public). Par exemple, la gestion de la restauration collective des écoles de la ville de Lyon a été déléguée à Elior, qui est en charge de l’approvisionnement, du conditionnement et du transport des plats.

Si l’école est un lieu de sensibilisation aux bonnes pratiques individuelles (tri, compostage, anti-gaspillage…), les enfants ne sont pas toujours libres dans leurs choix de consommation et les réflexes acquis ne pourront s’appliquer que dans certains contextes. Or, les enjeux climatiques et environnementaux nécessitent d’agir au présent et dans tous les domaines.

Alors, pourquoi aller plus loin que la sensibilisation ? Les écoles sont des lieux qui produisent des quantités impressionnantes de déchets et qui touchent de nombreuses personnes. Ils gagneraient alors à avoir une gestion des déchets exemplaire, qui axerait principalement sur la prévention des déchets. Sur la Métropole de Lyon, on compte 324 écoles élémentaires et 104 écoles privées, 113 collèges, 68 lycées généraux et 54 lycées professionnels [1]. À Lyon, cela représentait, à la rentrée 2018, plus de 38 000 élèves inscrits dans les écoles primaires et près de 1 500 agents de la ville de Lyon chargés de l’accueil des enfants [2].

Des montagnes de déchets …

22 % des déchets globaux d’une commune sont produits par les petites entreprises et les organismes publics [3] dont … les écoles ! On vous a fait une petite typologie [4]…

Ces déchets confrontent les écoles à de nombreuses problématiques :

  • certains déchets produits pourraient être évités : c’est le cas de la vaisselle jetable (lors des kermesses de fin d’année) ou des emballages de goûters (portions individuelles emballées dans du plastique, gourdes de compote à usage unique, mini bouteilles d’eau…) ;
  • les fournitures scolaires sont souvent achetées neuves tous les ans, au détriment des objets qui pourraient être achetés d’occasion ou tout simplement conservés ;
  • le tri n’est pas toujours effectué dans les établissements scolaires : à l’école Commandant Arnaud, avant une démarche volontaire des instituteurs·trices et de la directrice, il n’existait pas de poubelles séparées et de système de tri. D’ailleurs, le système de tri multi-matériaux de la métropole n’est pas tout à fait adapté aux écoles qui produisent essentiellement du carton et du papier ;
  • lorsqu’une école se débarrasse de son mobilier ou de son parc informatique (ordinateurs, imprimantes), elle jette un matériel qui pourrait encore servir. D’ailleurs, le traitement des déchets électriques et électroniques (DEEE [5]) est très polluant.

Zoom sur… les déchets de la restauration scolaire

Mais, tous ces déchets ne sont rien, comparé à ceux produits par la restauration scolaire.

On estime qu’aux écoles primaire et maternelle Joseph Cornier (Lyon 4), d’après les pesées effectuées par un collectif de parents d’élèves, 16,1 tonnes de biodéchets et 1,5 tonnes de denrées encore consommables sont produits par an. Pour l’ADEME, une école primaire de 200 élèves, jette environ 3,4 tonnes de biodéchets par an : si on étend ce chiffre à la totalité des établissements maternels et primaires de la ville de Lyon, on gaspille 680 tonnes de nourriture ! De quoi faire des cauchemars, vous ne trouvez pas ?

Au collège et au Lycée, c’est environ 115 grammes de nourriture qui sont jetés par convive et par repas [6]. Sur une année scolaire, pour un restaurant de 500 convives, cela représente entre 15 et 20 tonnes ! [7] Rappelons qu’il existe une obligation légale, en France, pour les gros producteurs de biodéchets (+ de 10 tonnes par an), de trier séparément les biodéchets et de les valoriser[8].

Une bonne partie de ces déchets sont des denrées encore consommables (fruits, yaourts, entrées et plats entiers) quand ils partent en centre d’incinération. Ce gaspillage a bien sûr de nombreux impacts environnementaux : eau, énergie et matières premières non renouvelables utilisées pour rien ! Et gaspiller coûte cher, autant pour les collectivités que pour les citoyens… Pour un lycée de 800 convives, le gaspillage alimentaire est estimé à 40 000 repas par an, soit 70 000 € ! [9] Autant d’argent qui pourrait être investi dans une meilleure gestion des déchets ou reporté sur le prix des repas.
De plus, selon l’étude des comportements alimentaires de la Métropole de Lyon, en 2018, 15 % des ménages ne mangeaient pas à leur faim [10] !

Dans de nombreux restaurants scolaires, en France, les repas sont préparés, transportés et réchauffés dans des barquettes plastiques.
Les 28 000 repas de la ville sont préparés par la cantine centrale d’Elior qui met en avant des raisons d’hygiène, de conditionnement et de respect de la chaîne du froid au détriment de l’impact environnemental et du risque sanitaire pour les enfants.
En effet, le plastique chauffé est suspecté de faire migrer vers la nourriture des substances toxiques, notamment des perturbateurs endocriniens. À Bordeaux, les assiettes en plastique contenaient du Bisphénol A, un perturbateur interdit, et les poches de cuisson du DPB, un phtalate également interdit [11].

Vous l’avez compris, on a toutes les bonnes raisons du monde de réduire les déchets produits par le système scolaire, et, pourtant, on est loin du compte. Mais ce n’est pas une fatalité !

Qu’est-ce que je peux faire, moi, à mon échelle ?

En tant que parent·es ou étudiant·es, nous pouvons choisir de réduire les déchets que nous produisons sur le temps scolaire.

Tout commence à la rentrée, lorsqu’il faut compléter les listes de fournitures ! Évitons d’acheter neufs des produits que nous avons déjà. Nous avons souvent des stylos, des feuilles, des cahiers, des classeurs … qui dorment, inutilisés dans nos placards ! Certains achats peuvent aussi être refusés : les couvertures plastiques pour les cahiers et les livres par exemple …

Il est aussi possible de privilégier l’occasion et la seconde main : cartables, trousses, équipements sportifs, il y a beaucoup de trésors à dénicher ! À Lyon, n’hésitez pas à fouiner dans les rayons d’Emmaüs ou de Notre Dame des Sans Abris. Rendez-vous aussi sur le bon coin … D’ailleurs, si vous voulez aller plus loin, l’association Zero Waste France vous propose de participer au défi rien de neuf !

Quand, faute d’autre choix, vous devez acheter du neuf, autant choisir des produits durables et dont l’impact écologique est limité : le stylo plume contre les stylos à bille, le critérium contre les crayons à papier etc. Il existe aussi des marques qui limitent les substances toxiques et utilisent des matières naturelles ou recyclées, comme Ecoburo, par exemple. Et pour aller plus loin, l’ADEME vous propose un guide consacré aux fournitures scolaires

Pour le goûter, fini les portions individuelles toutes emballées ! Vous pouvez garnir la boîte à goûter de votre enfant avec une gourde, des fruits locaux et de saison, des gâteaux achetés en vrac ou faits maison.

Ces écoles qui nous inspirent !

Certes, bouger à son échelle, c’est bien. Mais, une fois qu’on a opté pour une gourde plutôt qu’une bouteille d’eau, qu’on a décidé d’acheter les classeurs de seconde main, la plupart des déchets produits au sein de l’école demeurent intacts. En effet, il faut aussi que les structures s’ouvrent au changement pour permettre une véritable réduction des déchets.

Et, certaines écoles ont vraiment envie de faire bouger les choses ! Elles sont nombreuses, sur Lyon, à proposer des solutions pour mieux trier leurs déchets, pour les valoriser et surtout pour les réduire…

Par exemple, l’école primaire Commandant Arnaud a lancé une démarche concertée de réduction des déchets, avec des élèves, des parents d’élèves, des professeurs, des membres de la direction et de la ville de Lyon. Voici quelques-unes de leurs actions :

  • collecte séparée du carton/papier et des bouteilles grâce à des poubelles de tri ;
  • éco-délégués responsables de la gestion de ces nouvelles poubelles ;
  • utilisation d’écocups pour la kermesse de fin d’année ;
  • redistribution des fruits et des yaourts non consommés le midi au goûter ;
  • collecte et recyclage des stylos usagés grâce à l’entreprise Terracycle.

En réalité, il existe de nombreuses actions de réduction des déchets scolaires ! On peut, par exemple, favoriser les impressions recto-verso pour limiter l’usage du papier ou installer une boîte à partage au sein de l’école pour permettre l’échange et le don d’objets… Il est toujours possible de faire réparer les meubles et les ordinateurs pour leur donner une seconde vie.

Les écoles peuvent proposer des ateliers de cuisine anti-gaspi pour récupérer le pain ou les fruits non consommés. Sur la Métropole de Lyon, l’association Récup et Gamelles est spécialisée dans la restauration anti-gaspi : bocalerie solidaire, recettes de récup’… avec eux, rien ne se perd, tout se transforme !

Ces collectivités qui bougent !

Certains changements demandent cependant une volonté politique plus fortenotamment en ce qui concerne les cantines scolaires. Les cahiers des charges auprès des prestataires doivent intégrer des actions de lutte contre le gaspillage alimentaire et de valorisation des biodéchets.

Pour éviter de jeter 1/3 des denrées alimentaires, il est alors nécessaire de repenser la gestion des stocks. On peut donc :

  • réduire les quantités achetées  ;
  • servir les plats d’un jour sur l’autre ;
  • adapter les quantités servies à l’appétit de chacun (« petite » ou « grosse » faim »)
  • privilégier les repas à quatre plats (et non plus cinq).

Pour lutter contre le gaspillage alimentaire, il existe aussi de nombreuses solutions !

La ville de Villeurbanne, par exemple, permet la redistribution des denrées non consommées, grâce à un service de la Banque alimentaire, ProxiDon. Cette plateforme met en relation des structures (commerces mais aussi restaurants scolaires) qui ont des produits encore consommables et des associations d’aide alimentaire.

Les cantines scolaires de Villeurbanne ont pu redistribuer environ 1 500 repas entre décembre et juin ! Pour répondre aux problématiques d’hygiène et de conservation, la ville a mis en place un système efficace : ils ne cuisinent que 80 % des repas prévus et préparent les 20 % restants seulement si c’est nécessaire. Si ces repas ne sont pas préparés, ils peuvent être redistribués sans quitter la chaîne du froid ! Quatre centres d’hébergement de Villeurbanne en bénéficient.
Proxidon sera d’ailleurs, à la rentrée 2019, utilisé par les 120 cantines de la ville de Lyon. Un beau challenge à relever par un maximum d’associations d’aide alimentaire au profit des personnes en précarité alimentaire…

De nombreuses écoles ont déjà choisi de composter leurs déchets. À Caluire, en 2018-2019, les biodéchets de l’ensemble des restaurants scolaires ont été collectés et valorisés par Les Détritivores… Certains restaurants scolaires de Meyzieux et Villeurbanne peuvent aussi revaloriser leurs déchets alimentaires : et l’entreprise, en septembre 2019, collectera les biodéchets de certaines écoles de Saint Fons. Qu’est-ce qu’on attend, à Lyon ?

Quant aux barquettes pour conditionner et réchauffer les plats, de nombreuses collectivités privilégient les matières inertes (inox ou verre) au plastique. C’est le cas de Roubaix [12], de Montrouge [13] et de Strasbourg [14] dans certaines écoles … D’ailleurs, passer à l’inox permet aussi d’améliorer le goût des plats cuisinés et de limiter le gaspillage !

Remarquons que ce changement est dû soit à une volonté politique forte (à Roubaix) soit à une mobilisation importante des parents d’élèves. À Strasbourg, par exemple, une centaine de parents s’étaient mobilisés avec Zéro Déchet Strasbourg pour dénoncer l’usage des barquettes en plastique[15] … Des collectifs de parents fleurissent un peu partout en France pour demander l’abandon du plastique dans les cantines. Et à Lyon ? Le collectif de parents de l’école Joseph Cornier réclame le remplacement des barquettes en plastique par des contenants durables en inox. Vous pouvez soutenir leur combat en signant la pétition !

Voilà qui demande bien des changements … Mais ce n’est pas impossible et les bénéfices sont multiples ! Se lancer dans une démarche zéro déchet, c’est permettre aux professeurs, enfants, parents et salariés de mieux vivre dans un cadre plus respectueux de l’environnement.

SOURCES

[1] PLPDMA, 2019 https://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/media/pdf/proprete/20190412_plpdma-fiches-actions.pdf

[2] https://www.lyon.fr/index.php/enfance-et-education/leducation/lecole-en-pratique

[3]

[4] Les chiffres de la restauration scolaire et des déchets de bureau produits par un établissement scolaire sont issus d’une pesée effectuée à l’école Commandant Arnaud (Lyon 4) ; ils ont été calculés sur une semaine et étendus sur un an. Les chiffres des déchets produits par les élèves ont été estimés sur un an, pour une école de 293 élèves : environ 10 kg/an/élève pour les fournitures scolaires et environ 6,5 kg/an/élève pour le goûter (d’après cette étude)

[5] http://www.cniid.org/DEEE,309

[6]

[7]

[8]

[9]

[10]https://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/media/pdf/espace-presse/dp/2019/20190617_strategie-alimentaire-metropole.pdf

[11]https://theconversation.com/plastique-dans-les-cantines-un-danger-inacceptable-pour-la-sante-de-nos-enfants-102690?utm_source=facebook&utm_medium=facebookbutton&fbclid=IwAR0_XkpqDcQ9XjAl5l7pMOssiMLzgNgXDyDg5eJtXw1gxf0amUNsZ_uuEoI

[12]https://kaizen-magazine.com/article/roubaix-ville-pionniere-du-zero-dechet/

[13]http://www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/montrouge-vive-la-cantine-sans-plastique-05-02-2019-8005152.php?fbclid=IwAR3HWlzRvpYUZQRkBAA080yegwieCvcxaAvcqqnK9bYCdQX1fg4W_pvZr5c

[14]https://www.francebleu.fr/infos/societe/strasbourg-la-fin-des-barquettes-en-plastique-dans-la-cantine-de-l-ecole-louvois-1510684317

[15]https://zds.fr/wp/wp-content/uploads/2017/05/manifeste-cantines.pdf

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