BTP : des déchets bien béton

Aaah les déchets, on en trouve partout n’est-ce pas ? Dans la cuisine, dans la salle de bain, dans la chambre. Être zéro déchet, c’est un combat qu’on mène sur tous les fronts ! Cependant, il y a quand même une partie des déchets dont on ne parle pas souvent. Parce que pour pouvoir faire du zéro déchet dans sa cuisine, il faut déjà avoir une cuisine ! Bon, jusque là, on est d’accord. Mais pour avoir une cuisine, eh bien il faut la construire ! Vous commencez à comprendre c’est sûr. Ces fameux déchets “oubliés”, ce sont les déchets de chantier. Ceux qui sont produits quand on construit des maisons, des routes, des écoles…, en fait, tout ce dont nos villes sont faites. En 2012, 345 Mt de déchets ont été produites en France, dont 71 % par le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) ce qui représente 247 Mt [1] ! Il est temps que les entreprises de travaux découvrent les sacs à vrac !

Mais à quoi ça ressemble des déchets de chantier au juste ?

Dans le secteur du BTP, les déchets sont produits à la fois pendant la construction et la déconstruction. Ils sont classés en 3 catégories.

On trouve d’abord les déchets inertes. Ce sont ceux qui ne se décomposent pas et ne brûlent pas comme la pierre, le béton ou encore les vitrages. On les trouve dans des quantités astronomiques et en 2016, ils ne représentaient pas moins de 88 % de déchets de chantier produits dans la région lyonnaise [7] ! Rien qu’ça !

On trouve ensuite les déchets non inertes et non dangereux. Du plastique au bois en passant par le plâtre et les métaux, ils sont présents partout dans un bâtiment. Environ 9 % des déchets de chantier produits dans la région lyonnaise font partie de cette catégorie [7].

Les 3 % restants sont des déchets dangereux [7]. On parle ici des éléments et équipements contenant des traces d’amiante, de plomb, ou de toute autre substance présentant des risques pour la santé et l’environnement. On les trouve souvent dans les bâtiment les plus anciens sous la forme de peintures, de bois traités avec des produits aujourd’hui interdits.

Un problème déjà connu

Produire autant de déchets, ça pose bien sûr quelques soucis. Bien que la gestion des déchets de chantier soit réglementée, une partie du flux échappe toujours aux contrôles et n’est pas tracée. On suppose alors qu’elle vient alimenter des dépôts sauvages ou qu’elle est évacuée sur des terrains privés sans qu’il ne soit possible de contrôler la nature des déchets en questions [5].

Des textes de lois existent déjà pour tenter d’encadrer leur gestion. Le code de l’environnement stipule par exemple que si “vous produisez ou détenez des déchets de chantier, vous êtes responsable de leur devenir”. Les professionnels du BTP sont soumis à différentes obligations et notamment celle de trier à la source leurs déchets en suivant la règle des “5 flux”. Ils doivent donc séparer à minima le papier/carton, le métal, le plastique, le verre et le bois [2].

La Loi sur la Transition Énergétique et la Croissance Verte (LTECV) publiée en 2015 est venue compléter ces obligations en imposant des taux de valorisation des déchets. Cette loi contient en effet un partie consacrée à l’économie circulaire qui précise qu’à l’horizon 2020, 70 % des déchets du BTP devront être valorisés [4].

Aujourd’hui les déchets de chantier, qu’est-ce qu’on en fait ?

Valoriser c’est un terme assez large et on ne sait pas toujours ce qui se cache derrière au premier coup d’oeil. Actuellement, les déchets du BTP sont gérés de la manière suivante :

Les déchets inertes sont facilement valorisables et sont la plupart du temps réutilisés comme matériaux de construction de travaux publics, notamment pour servir de remblai ou construire des routes. La partie restante des déchets inertes est généralement envoyée dans des installations de stockage de déchets inertes.

La valorisation des déchets non inertes non dangereux est plus compliquée. Certains déchets, notamment les métaux ou le verre sont très bien pris en charge sous réserve qu’il soient triés. Des filières de recyclage existent depuis longtemps et permettent de valoriser l’essentiel de ces déchets. Cependant, d’autres déchets ne trouvent toujours pas d’exutoire viable. La difficulté vient du fait que de nombreux équipements et produits de construction sont constitués d’assemblages de plusieurs matériaux différents. Or, il est impératif de garder des flux de matériaux bien séparés pour pouvoir les orienter vers des filières individuelles adaptées.

Enfin, les déchets dangereux sont les plus difficiles à valoriser. En effet, il doivent être soumis à des traitements spécifiques permettant d’éliminer les substances dangereuses avant d’être valorisés. Or ce genre de traitement, reste proposé par peu d’industriel et coûte cher ! Pour le cas de l’amiante par exemple, le seul traitement connu consiste à chauffer les matériaux amiantés à très haute température (entre 1400  et 1600 °C) pour les rendre inertes. Les déchets dangereux qui ne peuvent pas être traités sont donc stockés dans des installations spécialisées.

Comme les déchets inertes représentent la part la plus importante des déchets de chantier, il est donc possible d’arriver à de bons taux de valorisation sur l’ensemble de la filière. C’est ainsi que dans la région lyonnaise en 2016, 76 % des déchets de chantier ont pu être valorisés [7]. Cependant, une part importante des déchets de construction continue d’alimenter des installations de stockage, ce qui rend le fonctionnement actuel non viable.

Un système qui s’essouffle

Dans les 15 prochaines années de nombreuses installations de stockage devraient fermer dans toute la région Auvergne – Rhône-Alpes car leur capacité maximale de stockage va être atteinte. On estime alors que près d’un tiers des déchets de construction de la région devront être réorientés vers d’autres exutoires [2]. De plus, la région connaît une croissance démographique notable qui devrait augmenter le gisement de déchets ! [7]

Stocker les déchets, ça implique également de les transporter ! Et à l’échelle de la région ça représente beaucoup de camions. Or, on estime actuellement que 40 % des poids lourds utilisés pour le transport des déchets tournent à vide ! [7] On peut encore largement progresser !

Enfin, la réutilisation des déchets de chantier devient actuellement un réel enjeux. Le BTP est en effet en demande constante de sable, deuxième ressource naturelle la plus consommée après l’eau et qui est ainsi devenu une denrée rare. On utilise le sable pour fabriquer différents produits comme le verre et le béton. Il faut ainsi 30 000 tonnes de sable pour construire un seul kilomètre d’autoroute. [4]

Des solutions apparaissent

Pour changer la donne, la LTECV tente de privilégier les filières de valorisation les plus vertueuses. Elle prévoit ainsi une réduction de 30 % des déchets mis en décharges à l’horizon 2020 et de 50 % à l’horizon 2025. En 2018, le gouvernement français a également publié sa Feuille de Route pour l’Économie Circulaire dont l’objectif est de “faire du parc de bâtiments la banque de matériaux des constructions futures”. Elle prévoit par exemple la mise en place d’un “Diagnostic ressources” présentant les pistes de réemploi identifiées lors d’un chantier de déconstruction. [4]

Il apparaît que les maîtrises d’ouvrage sont globalement encore un peu frileuses à l’idée d’utiliser des matériaux issus du réemploi. Souvent, ce terme véhicule une image de “mauvaise qualité”. [2]

Pourtant de nombreuses initiatives voient le jour pour les épauler dans cette démarche et promouvoir le zéro déchet sur les chantiers. Elles s’articulent autour d’un but commun : permettre la rencontre de l’offre et de la demande pour le réemploi. [4]

Permettre aux acteurs du BTP et de l’immobilier de réduire leurs coûts de benne en vendant des matériaux habituellement jetés, c’est le crédo de Backacia. En récupérant des matériaux originaires de surplus de commande ou de chantiers de déconstruction, cette startup propose aux entreprises du BTP de racheter à bas prix des matériaux et équipements de seconde main encore utilisables. [4]

Montée en 2013, Co-Recyclage est une startup de l’ESS qui accompagne des entreprises et administrations dans le réemploi grâce à des solutions leur permettant de minimiser leur production de déchets. Elle a notamment développé une application permettant de mettre en relation les différents acteurs du BTP. Depuis son lancement, plus de 4000 tonnes de ressources ont ainsi pu être préservées. A noter que Co-Recyclage propose également une plateforme dédiée aux particuliers qui souhaitent donner des objets (électroménager, mobilier, etc.) encore utilisables mais dont ils ne se servent plus ! [4]

On trouve également Cycle-Up, une plateforme en accès libre pour les professionnels conçue pour optimiser la rencontre de l’offre et de la demande en matériaux de réemploi. Elle recense les matériaux disponibles selon leur possibilité de réutilisation. Elle laisse également place à la créativité des architectes et designers pour partager des nouvelles idées de réutilisation. [4]

La région lyonnaise n’est pas en reste avec une structure innovante : Minéka. Cette association fondée par un groupe d’architectes lyonnais s’est lancé pour défi de démocratiser le réemploi dans la construction pour sauver les déchets de la benne à ordure. [6] Elle collecte uniquement des matériaux de construction encore utilisables auprès des professionnels et les redistribue à prix solidaire à tous les publics pour que les matériaux soient réutilisés. Dans le même sillon, Re.Source met à disposition des particuliers les stocks dormants des professionnels de la construction du département du Rhône en inventoriant tous les matériaux de qualité destinés à être jetés et en les proposant sur leur site à prix cassés.[8]

Alors réutiliser les déchets de chantier, c’est top, mais on ne le dira jamais assez : pour tendre vers le zéro déchet, il faut combattre les déchets à la source ! Pour ça, dans la construction aussi il existe des solutions. En effet, de plus en plus de projet sont conçus en suivant des principes d’écoconception. C’est une démarche qui consiste à prévoir la fin de vie et l’utilisation ultérieure des différents matériaux. Les choix structurels et l’accessibilité des différents éléments constructifs a pour but de faciliter la démontabilité et le recyclage.

Le projet BAZED cherche à s’inscrire dans ce mouvement en donnant les clés aux équipes de Maîtrise d’Ouvrage et de Maîtrise d’oeuvre pour parvenir à la réalisation de bâtiments Zéro Déchet. De la structure à la toiture, de nombreuses solutions sont mises en avant pour penser au devenir des matériaux lorsque le bâtiment sera déconstruit. [4]

Réduire les déchets de construction, c’est bien sûr possible pour les particuliers ! Pour ça, on peut s’inspirer des principes mis en avant ci-dessus.

  • Avant de se lancer dans des travaux, il est intéressant de mener une démarche d’éco-conception, de favoriser les solutions démontables et réparables pour minimiser les déchets quand il faudra tout déconstruire.
  • Une fois que les plans sont faits et qu’on se lance dans la construction, on peut aller jeter un oeil sur les plateformes comme Minéka, Re.Source ou Co-Recyclage pour voir si les matériaux dont on a besoin sont disponibles. Ca coutera moins cher et c’est de la récup’ !
  • Au moment de déconstruire quelque chose, séparer les déchets selon les matériaux qui les composent et identifier ceux qui peuvent être réutiliser. On pourra ensuite faire des heureux en proposant ce matériaux sur une plateforme d’échange ou à minima s’assurer d’une valorisation grâce à ce tri à la source! 🙂

Sources :

[2] CERC, Analyse des filières de gestion des déchets du Bâtiment et des Travaux Publics dans le cadre de l’élaboration du PRPGD en Avergne-Rhône-Alpes, 2018, 28 p.

[3] ADEME, Déchets des travaux publics, 2017, 17 p.

[4] OREE, Comment mieux déconstruire et valoriser les déchets du BTP ?, 2018, 88 p.

[5] Philippe Collet, Déchets du bâtiment : les professionnels signent une charte de bonne gestion, ActuEnvironnemen.com, 2019, https://www.actu-environnement.com/ae/news/Dechets-batiment-professionnels-charte-bonne-gestion-32707.php4#xtor=EPR-1

[6] Zéro Déchet Lyon, Minéka : entrepreneure Zéro Déchet de juillet, [En ligne], disponible sur : https://zerodechetlyon.org/entrepreneur-zero-dechet-du-mois-de-juillet-2/

[7] Ecoconstruction-Rhône, Les déchets du BTP : Réduire, Réutiliser, Recycler, [En ligne], disponible sur : http://www.ecoconstruction-rhone.fr/?event=les-dechets-du-btp-reduire-reutiliser-recycler

[8] Re.Source, Concept, [En ligne], disponible sur : https://resource-reemploi.fr/

[9] INTERTAM, La solution de traitement définitive des déchets d’amiante

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