Pas le temps de tout lire ? Retrouvez notre synthèse parici
Le recyclage sert souvent aujourd’hui de prétexte pour faire perdurer une société de surconsommation, en déculpabilisant les un·es par la soi-disant garantie d’une réutilisation des matières constituant les déchets (« achetez du jetable, ce n’est pas grave c’est recyclable, la planète vous dit merci ! ») et en culpabilisant les mauvais·es trieur·euses. L’association Zéro Déchet Lyon vous explique le fonctionnement du tri dans le Grand Lyon avant de pointer les limites de ce système et de dessiner les alternatives.
La collecte sélective à Lyon, état des lieux
Qu’on vous mette à l’aise tout de suite… le tri c’est pas simple !
En préambule, un petit rappel : ce logo « Le point vert » ne veut pas dire que le déchet est recyclable. Il signale que l’entreprise paye une contribution à l’éco-organisme* spécialisé dans les emballages, CITEO (anciennement Eco-Emballages).
Cet autre logo que vous croisez souvent aussi, « le ruban de Möbius », signifie que le produit est potentiellement recyclable mais, rien ne garantit que les centres de tri auront l’équipement pour les trier. Paradoxal non ?
On est tous d’accord : le système proposé n’est vraiment pas très explicite. D’autant plus que les consignes de tri ne sont pas (encore) uniformisées en France : tout dépend de la technologie du centre de tri de votre territoire… Vous aurez aussi peut-être remarqué que souvent les poubelles de tri sont aussi de couleurs différentes, on s’y perd non ?
Pour la ville de Lyon, on les repère au couvercle jaune, et les consignes de tri pour toute la métropole de Lyon sont disponibles sur le site du Grand Lyon : https://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/media/pdf/proprete/20240129_guide-tri.pdfl
Quantité, destination et devenir des déchets recyclables à Lyon
Sur la métropole en 2019, 60 716 tonnes de déchets ménagers ont été mis dans une poubelle jaune et collectés. Toutefois, seules 36 313 tonnes ont été effectivement recyclées [0]. Le reste étant des erreurs de tri il repart à l’incinération. Le taux de refus est ainsi de 32,9 % à Lyon, ce qui est plus élevé que la moyenne nationale (17%)[1] !
Une fois vos déchets collectés, ils prennent la direction du centre de tri de Chassieu. Gérés par un prestataire privé (Paprec), le centre de tri n’appartient pas au Grand Lyon. La Métropole passe des contrats avec des prestataires via un marché public. Cette prestation de service court sur une durée de 5 à 7 ans.
Une fois vos déchets arrivés en centre tri, ils sont déchargés en vrac au sol (photo). Puis, ils vont suivre tout un parcours (cf. Schéma 1) afin de les séparer en différents types de matières (plastique, papier, carton, aluminium, etc). Ces tâches successives sont réalisées par des équipements automatiques mais également à la main par des agent·es qui effectuent le « sur tri », c’est-à-dire le tri fin. Séparer les matériaux est la condition obligatoire pour pouvoir rejoindre les usines de recyclage propres à chaque matériau (papeterie, plasturgie, export, etc). Ensuite, on ne peut pas dire précisément où sont envoyés en France ou dans le monde les déchets triés, l’information n’étant pas facilement accessible.
Une évolution réglementaire : l’extension des consignes de tri
L’objectif : recycler davantage les emballages et faciliter le geste de tri
La loi de transition énergétique (2015) vise un taux de recyclage de 75% des emballages ménagers. Un des leviers est d’étendre le tri à des matériaux qui n’étaient jusqu’alors pas considérés comme « recyclable » (films plastiques, pots de crème et yaourt, barquette de viande, etc) afin de les « sauver » de l’incinération ou de l’enfouissement. L’extension des consignes de tri se fera, selon l’article 70 de la loi, « progressivement [pour] l’ensemble des emballages plastique sur l’ensemble du territoire avant 2022, en vue, en priorité, de leur recyclage, en tenant compte des prérequis issus de l’expérimentation de l’extension des consignes de tri plastique initiée en 2011 ». Autrement dit, l’extension des consignes de tri consiste à pouvoir mettre plus de choses dans la poubelle jaune, en simplifiant le geste de tri pour l’usager. Votée par l’État, c’est aux collectivités ayant la compétence Déchets de la mettre en application.
Pour atteindre cet objectif, les collectivités peuvent travailler avec l’éco-organisme agréé par l’Etat : CITEO. Ce dernier a financé une première expérimentation d’extension des consignes de tri en 2012-13 sur la commune de Villeurbanne pour un montant de près de 200 000€)[2]. Nous nous sommes entretenus avec Thomas FLUSIN, Responsable des opérations chez CITEO, qui nous communique les résultats suivants :
- L’accueil des habitant·es a été bon, iels ont su jouer le jeu et ont globalement suivi les nouvelles consignes malgré une communication difficile (distinction parfois difficile entre Lyon/Villeurbanne).
- Impact sur la précollecte et collecte : les bacs jaunes déjà en place chez l’habitant·e suffisaient à accueillir l’augmentation des déchets, tout comme la fréquence de tournées
- Impact sur les centres de tri : les ajustements techniques pour permettre de trier les nouvelles résines plastiques n’étaient pas encore au point. Cette conclusion est partagée par les autres collectivités françaises ayant fait l’expérimentation.
- Performance : seulement 2 kg/an/hab. supplémentaires ont été collectés, ce qui était inférieur aux prévisions.
CITEO proposera chaque année jusqu’en 2022 un appel à candidatures pour accompagner les collectivités prêtes mettre en place cette extension des consignes de tri. La métropole dispose encore légalement de quatre ans pour s’y mettre. En amont, les collectivités doivent remplir certains pré-requis vérifiés par CITEO (taux de remplissage actuel des bacs, adaptation des centres de tri, pérennité des exutoires des nouvelles résines, moyens pour la communication, etc).
Notons qu’avec ce choix d’une poubelle de tri unique et une simplification du tri à la source, la France fait le choix contraire des pays nordiques qui ont eux pris le parti d’avoir une poubelle pour chaque matériau. Séparer les déchets à la source permet d’avoir des flux de matériaux plus pur, donc plus attractifs pour le marché de rachat des matières premières.
Et à Lyon ?
La Métropole de Lyon a pris de l’avance sur l’obligation légale d’extension des consignes de tri prévue 2022. En effet, depuis le 1er janvier 2020, il est possible de mettre dans le bac de tri : les sac plastique, sac de légumes congelés, sachet de fromage râpé, suremballage plastique de pack de bouteilles, recharge de savon, tube de dentifrice, pot de crème, pot de yaourt, barquette polystyrène, barquette plastique avec couvercle, barquette de beurre, boîte d’œufs, paquet de chips, emballage de jambon, emballage de plat surgelé, emballage de club sandwich, bouteille, flacon, canette, boîte de conserve, flacon aérosol, bouteille en métal, barquette en métal, paquet de café, gourde de compote, capsule de café/thé, papier d’aluminium, opercule et capsule de bouteille, bouchon à vis, couvercle de bocal, pot de cosmétique, tube en aluminium, tube de crème en métal, plaquette de médicament vide, carton, carton de pizza, boîte de céréales, suremballage en carton, brique de lait ou de jus de fruit, rouleau de papier absorbant et hygiénique, papier de bureau, journaux, prospectus, enveloppe, sac en papier.
Attention toutefois à ne pas tout mettre dans la poubelle de tri. Grâce à cette extension, tous les emballages en plastique peuvent maintenant partir vers le centre de tri mais les objets en plastique (comme une brosse à dent), les déchets d’hygiène (comme une lingette ou un coton-tige) ou autres objets composés de différents matériaux (comme une paire de ciseaux ou un petit objet) ne sont à ce jour pas valorisés.
Retrouvez la liste détaillée des produits concernés par l’extension de tri sur le site de la Métropole. Et pour aller plus loin, l’association Mouvement de Palier propose des form’actions pour devenir ambassadeur·rice du tri et ainsi sensibiliser son entourage.
Concernant les autres déchets du quotidien ; le verre doit être amené dans un silo à verre, voici une carte en ligne pour les localiser, et le textile peut être valorisé via le dons à des associations ou le dépôt dans les silos prévus à cet effet
Pourquoi le tri et le recyclage ne sont pas des solutions miracles
L’erreur de tri, est le « mauvais » geste de tri, volontaire ou non : c’est quand vous jetez l’ensemble de vos déchets dans la poubelle jaune alors que seuls les emballages y ont leur place. Le refus de tri, c’est l’ensemble de ces déchets mal triés à la maison. On l’a dit, sur notre territoire, près d’un tiers des poubelles de tri est collecté, transporté vers les centres de tri, passe sur les chaines de tri, pour être identifié comme non désirable ! Ces tonnages sont donc isolés, puis à nouveau transportés, en camion, vers les incinérateurs pour terminer finalement dans les mêmes fours que les déchets de la poubelle grise. Et cela a un coût direct pour la collectivité, et par la même pour nous contribuables, via la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Mais ces étapes de collecte/ tri/ transport ont également des coûts cachés en lien avec leur bilan écologique en termes d’émissions polluantes ou de consommation d’énergie.
Alors, oui mieux trier ses déchets est un premier pas pour mieux gérer nos déchets. Mais quelle est la face cachée du recyclage dans une société toujours en course à la croissance ? En premier lieu, le recyclage répond à une logique de rentabilité. A une époque où l’humanité est capable d’aller dans l’univers et d’avoir recours à l’intelligence artificielle, la technicité du recyclage n’est pas la question centrale. C’est bien le côté lucratif du business qui limite son déploiement.
Pour les filières existantes donc rentables, elles permettent bien de réutiliser la matière donc de limiter l’extraction de matières premières vierges. Pourtant elles n’en sont pas moins synonymes de transport – parfois à l’autre bout du monde, de consommation d’énergie – souvent fossile et d’émissions polluantes diverses – à plus ou moins long terme. Enfin, finissons-en avec le mythe du 100 % recyclable. Il y a toujours une perte de matière qui s’altère au fur et à mesure des cycles de recyclage. Le papier ne se recycle que 3 à 4 fois. Les matériaux plastique eux se sous-cyclent plus qu’ils ne se recyclent, c’est-à-dire qu’on refait aujourd’hui peu de bouteilles avec des bouteilles, les matériaux triés permettent de créer de nouveaux produits eux, non recyclables, ah le mythe de la polaire s’effondre…
Si vous souhaitez en savoir plus, nous vous recommandons le livre « Recyclage, le grand enfumage » de Flore Berlingen, ancienne directrice de Zero Waste France.
Alternatives
Pour reprendre ses mots , «valorisons par le recyclage ce qui peut encore l’être, mais gardons à l’esprit que le procédé parfait, sans pollutions ni pertes et consommations, n’existe pas, quel que soit le matériau considéré (…) Ce qu’il nous reste à faire en amont de cette étape de recyclage est beaucoup plus riche de sens, d’activités, d’échanges, de vie. »
Recyclage, le grand enfumage – Flore Berlinger
Ne nous laissons donc pas flouer par un tout recyclage qui ne fait que déculpabiliser les bon·nes consommateur·rices que nous sommes ! Ayons la curiosité de revoir nos pratiques et l’impact réel de nos comportements.
Nécessité d’une bonne communication de la collectivité
À l’échelle de la collectivité, trions ce qui peut l’être et limitons les gaspillages des refus de tri avec une meilleure communication. Des campagnes de sensibilisation comprenant des affichages ciblés en ville et le déploiement d’ambassadeurs du tri[3], couplé à des opérations de sensibilisation sur la prévention des déchets sont autant d’actions qui ont fait leurs preuves dans d’autres villes françaises. Cela requiert évidemment des moyens et une volonté politique, exigeons là !
Pourquoi pas une incitation financière pour améliorer le tri ?
Plusieurs collectivités pratiquent un système de contrôle et sanction à l’étranger et en France (Besançon[4], SIVOM[5]…) pour une contravention de 35€ en moyenne. À Lyon l’habitat étant majoritairement collectif, le mauvais·e trieur·euse pourrait pénaliser tout son immeuble. Ce n’est pas donc pas une solution socialement acceptable. Mais peut être qu’une tarification du service de gestion des déchets en lien avec la production peut être un bon début pour amorcer les prises de conscience.
À l’échelle individuelle, visiter un centre de tri
Visiter un centre de tri est très concret pour se rendre compte de la quantité de déchets amenée et triée, des conditions de travail et des coûts induits. Il est conseillé de le visiter pour tout simplement mieux en comprendre leur fonctionnement. Vous vous rendrez compte aussi des conditions de travail des employé·es. Vous pouvez vous y rendre seul en prenant rendez-vous préalablement ou rejoindre une visite groupée via Zéro Déchet Lyon, Mouvement de Palier, Aremacs ou encore la MJC Confluence.
Refusons les (sur)emballages ?
Faire ses courses en mode zéro déchet est de plus en plus aisé à Lyon, sur les marchés, en épicerie vrac, mobile, drive ou chez des commerçant·es de proximité qui vous soutiendrons dans la démarche. Vous pouvez les retrouver et contribuer à leur référencement avec Mon Commerçant M’emballe Durablement.
Acheter en vrac peut paraître compliqué quand l’on ne sait pas où chercher. Vous pouvez utiliser Abracada’vrac, le localisateur de produits vrac qui vous aide à trouver des produits du quotidien sans emballage.
Mettons un stop Pub sur nos boîtes aux lettres, refusons les tracts publicitaires, non nous ne tuerons l’économie en supprimant des emplois, nous créerons une société avec des emplois qui ont plus de sens. Et rejoignez le groupe facebook « Balance ta pub » (ou par mail à stop-pub@zerodechetlyon.org) afin de dénoncer les non-respects des autocollants « Stop Pub » (ce qui est une infraction et punie de 1 500€ !).
Source :
[0] Rapport annuel 2019 sur le prix et la qualité du service public d’élimination des déchets, Grand Lyon Métropole
[1] https://www.actu-environnement.com/ae/news/centres-tri-recyclables-france-technologie-flux-18219.php4
[2] Délibération n°2014-0502
[3] A Lyon, découvrez l’association Mouvement de Palier qui est le vecteur d’une sensibilisation citoyenne du tri entre voisins.
[4] https://www.francebleu.fr/infos/societe/grand-belfort-35-euros-d-amende-pour-les-mauvais-trieurs-de-dechets-1504721558
[5] https://www.sivom.com/consignes-de-tri/le-reglement-de-collecte/
Merci pour cet excellent article. Quelles sont les erreurs courantes de tri qui entrainent des refus pour voir les premiers points sur lesquels ils faudrait recommuniquer ?
Bonjour Clément,
Merci pour votre commentaire !
Depuis l’extension des consignes de tri en 2020, une erreur importante qui subsiste est de mettre dans la poubelle de tri des objets en plastique qui ne sont pas des emballages : jouets, briquets, stylos, brosses à dent…
J’ai entendu que le non tri a Lyon était bien plus important que ce qui est évoqué dans l’article. . Demandez à votre éboueur où il emmène les déchets de la poubelle jaune il vous répondra. A l’incinérateur comme les autres déchets. Est ce possible que ce la recyclage soit de l’ordre de 20% et non 50% ?
Bonjour, Merci pour votre commentaire. Les chiffres avancés sont ceux communiqués par la Métropole dans le rapport Barnier( que l’on peut trouver en ligne). Les poubelles jaunes partent bien au centre de tri de Chassieu, mais une partie retourne ensuite à l’incinérateur (c’est le refus de tri). Le taux de recyclage sur notre territoire se situe autour de 30%.
Bonjour,
Merci pour cet article, je me bats contre la légende urbaine de beaucoup de personnes que je cotoie qui dit que de toute façon tout part à l’incinérateur et donc que ça ne sert à rien de trier… quel dommage en 2023
Bonjour Charlotte,
Merci pour ton commentaire et d’informer ton entourage sur ces sujets.
Au plaisir de te rencontrer,
l’équipe ZDL