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La première bouteille d’eau en plastique est apparue en France en 1968. Cette nouveauté est « révolutionnaire » : légère, résistante et bien plus compactable que le verre ! Elle permet de faire de nombreuses économies sur le transport.
Aujourd’hui, 5,5 milliards de bouteilles en plastique sont vendues chaque année en France (1 million par minute à l’échelle mondiale) [1] Toujours aussi révolutionnaire ? Petit tour d’horizon des problématiques générées par cet objet de masse et de ses alternatives possibles et souhaitables, notamment à Lyon !
Ma très chère bouteille d’eau plastique…
Sacs plastiques et bouteilles plastiques : même fléau. La grande diversité de plastique mise sur le marché rend le recyclage des résines de plus en plus complexe. Le type de plastique le plus utilisé pour les bouteilles d’eau est le type 1[2] . Il commence à se dégrader dès sa première utilisation. La dégradation signifie qu’avec les UV et l’oxygène ambiants, le plastique perd ses propriétés parce que les différents éléments qui le composent se séparent et se retrouvent… dans l’eau ! Dans ces éléments nous retrouvons notamment tous les agents chimiques utilisés : phtalates, biphényles et on se souvient du fameux bisphénol A, perturbateur endocrinien interdit depuis 2015.
Le Rhône, qui passe par Lyon et bien d’autres villes, apporte continuellement sa part de plastique à la mer. Environ 700 tonnes de déchets plastiques arrivent chaque jour à la Méditerranée. Outre la pollution visuelle et l’asphyxie des animaux, la faune est aussi touchée par les perturbateurs endocriniens transportés par le plastique qu’ils ont ingéré. En effet, le plastique attire à lui comme un aimant des éléments chimiques, pathogènes et toxiques[3].
Ingéré directement ou indirectement, le plastique ne passe pas dans l’organisme sans laisser de traces… c’est finalement toute la chaîne alimentaire et tous les écosystèmes qui se retrouvent contaminés et fragilisés : fertilité, systèmes immunitaires, résistance et résilience diminuent. Ne croyez pas que nos lacs et sources de montagne française – celles qui se retrouvent en bouteille notamment – soient épargnés. Des traces de micro-plastiques ont en effet été retrouvées dans des lieux très isolés, parfois même inhabités par l’homme[4].
…mais tu te recycles : tout va bien ! Oui, mais en fait non
Même si certains plastiques se recyclent en grande partie et peuvent être réutilisés comme matière première, encore faudrait-il que les bouteilles en plastique arrivent à l’étape du recyclage ! En effet, sur les 5,5 milliards de bouteilles d’eau vendues par an en France, un peu moins de la moitié de ses bouteilles en plastiques est recyclée[5]. Dans celles-ci, seulement 20%[6] d’entre elles (soit 10% de toutes nos bouteilles plastiques) deviennent de nouvelles bouteilles, le reste est « décyclé » ou « sous-cyclé » pour faire du plastique de moins bonne qualité jusqu’à devenir lui aussi un déchet à incinérer. Aucune bouteille n’est faite à 100% de plastique recyclé. Les 80% des bouteilles plastiques restantes sont donc soit incinérées, enfouies ou se retrouvent dans la nature… leur dispersion est peu contrôlée dans l’environnement et comme nous l’avons dit, nous commençons seulement à voir les effets que ceux-ci ont sur les écosystèmes[7].
Produire un objet et gérer son déchet est énergivore et source de pollution. Le recyclage demande de l’énergie et de la matière première pour le transport, la gestion, le fonctionnement des usines de tri et de traitement et la re-fabrication de bouteilles (fusion des plastiques, etc). Même si le process de recyclage était optimisé, un problème persisterait : le volume à gérer ! Nous avons tellement à recycler que beaucoup de nos déchets recyclables partent pour l’étranger et, particulièrement en Chine, qui est le plus gros importateur de déchets mondial[8]. Quand les conditions de ce commerce deviennent trop chères donc pas assez rentables pour les industriels, les bouteilles sont enfouies ou incinérées.
Le meilleur déchet reste donc celui qui n’existe pas, et pour cela nous vous proposons quelques alternatives !
Les alternatives
L’eau du robinet : mêmes standards que l’eau en bouteille et économies à la clé !
L’eau en France Métropolitaine est facilement accessible. En effet, contrairement à d’autres pays, nous avons la chance d’avoir de l’eau potable au robinet : un confort souvent bien vite oublié. Sachez que l’eau du robinet est l’aliment le plus contrôlé en France : près de 310 000 prélèvements d’eau et plus de 12 millions d’analyses[9] par an sont effectuées ! Soit 22 analyses par minute ! Notre eau est déclarée compatible pour toute la famille, dont les nourrissons[10].
Bien entendu nous devons rester vigilants. Qu’en est-il des seuils de nos critères d’analyses ? Toutes les zones ont-elles la même couverture ? Existe-t-il des facteurs à risques comme les nitrates des cultures intensives ou une pollution des sols aux métaux lourds…[11]. Si vous avez des doutes, questionnez votre commune ou consultez la carte interactive sur l’eau du robinet en France[12] publiée par l’UFC-Que Choisir. Sachez toutefois que les industriels utilisent pour les eaux en bouteille les mêmes normes que celles de l’eau du robinet. Une étude de WWF de 2009-2010 montre que l’eau en bouteille contient également des traces de métaux lourds, mais deçà des normes bien entendu[13].
L’eau en bouteille est bien plus coûteuse que l’eau du robinet . Une bouteille d’eau en plastique n’a pas une longue durée de vie, c’est un objet jetable. Lorsque nous l’achetons, nous achetons également un déchet ! L’eau de Lyon vaut 0,0031 €/L. Une bouteille d’eau vaut 100 à 300 fois plus cher que l’eau du robinet. Cela en vaut-il vraiment la peine ? La production d’une bouteille en plastique demande des matières premières de l’énergie et surtout, de l’eau ! 1 bouteille d’eau = 100 ml de pétrole + 80g de charbon + 42 L de gaz + 2 L d’eau[14]. Boire l’eau du robinet, c’est de la matière première et de l’énergie économisée !
À l’échelle de la collectivité : communication, interdiction de la vente sur espace public et multiplication des fontaines à eau !
Pourquoi alors croit-on que l’eau en bouteille est de meilleure qualité ? La vraie différence avec l’eau du robinet est tout simplement le marketing ! Or, il n’y a pas (ou peu) de publicité pour vous dire que l’eau du robinet de votre ville est de qualité… Des campagnes de valorisation de l’eau de Lyon pourraient avoir lieu pour sensibiliser les Lyonnais. A l’occasion de la COP 21, des publicités pour l’eau du robinet étaient visibles dans les métros parisiens.
Autre idée dans la même veine, les bars et restaurants qui utilisent des carafes d’eau avec le nom de la ville. C’est le cas par exemple pour Blois avec « l’eau de Blois », pour Dijon avec « La Dijonnaise » et bien d’autres. Ces carafes permettent de donner une identité forte à l’eau du robinet.
Voici encore une autre manière de limiter les bouteilles en plastique est d’en interdire la vente sur les espaces publics (rue, parcs, etc) ou dans certains endroits . Cela peut paraitre drastique, mais certaines villes l’ont déjà fait :
- en 2009, Bundanoon en Australie
- en 2011, 23 parcs nationaux aux Etats-Unis
- en 2013, la ville de Concord dans le Massachussets [15]
- en 2014, San Francisco [16] sur les bouteilles inférieures ou égales à 60 cl et dans ses bâtiments municipaux depuis mars 2014
- une cinquantaine d’universités américaines du réseau « Ban the Bottle »[17]
Ces interdictions sont toujours couplées à l’installation de fontaines/robinets à eau sur les espaces publics. Il est important que leur signalisation soit bien faite. Quand est-ce que l’on s’y met à Lyon ? A Paris, il y a 1 200 fontaines, mais si l’on n’a pas son smartphone[18], il peut parfois être dur de les trouver ! À défaut de fontaines généralisées, il y a d’autres alternatives : le réseau « Refill » [19](remplir) lancé à Bristol recense les commerçants, bars et restaurants qui acceptent de remplir gratuitement les bouteilles d’eau réutilisables des gens. Ce mouvement s’est étendu à toute l’Angleterre et à l’Allemagne[20] !
En France, il est parfois invoqué une absence de loi sur « qui » aurait le droit de prendre une telle décision : le préfet, le maire ? Mais cela est bien évidemment une fausse excuse car quand on veut on peut ! À nous citoyens et consom’acteurs de se mobiliser pour passer outre cette lacune. En attendant, on ne peut que féliciter les rares initiatives entrepreneuriales, à l’instar de Biocoop[21], qui ont décidé d’arrêter la vente de bouteille en plastique.
Enfin, bien évidemment, à l’échelle individuelle, nous vous invitons à adopter le réflexe gourde ! … non cruche … euh ? bouteille réutilisable, vous l’aurez compris… bref agissons !
Références :
[1] https://www.theguardian.com/environment/2017/jun/28/a-million-a-minute-worlds-plastic-bottle-binge-as-dangerous-as-climate-change
[2] Le sigle est inscrit dans un triangle composé de flèches, souvent dans le fond de la bouteille. Les autres types 2,4, et 5 sont sans danger et la bouteille peut être réutilisée. Ce sont souvent des plastiques plus durs.
[3] Arte : https://www.youtube.com/watch?v=u0vfEXMPNbw
[4] http://baladesnaturalistes.hautetfort.com/archive/2013/11/21/contamination-des-lac-5226730.html
[5] https://www.planetoscope.com/consommation-eau/854-litres-d-eau-en-bouteille-vendus-en-france.html
[6] http://trademachines.fr/info/eau-en-bouteille/
[7] https://www.arte.tv/fr/videos/110062-000-A/dossier-les-dechets-plastique/
[8] P66 Vie d’ordures, MUCEM, édition Artlys « Histoire de la bouteille en plastique » Denis Woronoff
[9] http://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/eaux/article/lae-controle-de-la-qualite-de-l-eau-du-robinet[10] http://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/eaux/article/qualite-de-l-eau-potable
[11] https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-carte-interactive-ufc-que-choisir-sur-l-eau-du-robinet-en-france-mieux-preserver-la-ressource-pour-une-cons-eau-sans-moderation-n24025/
[12] https://www.quechoisir.org/carte-interactive-qualite-eau-n21241/
[13] http://www.wwf.fr/?1205/eau-robinet-eau-bouteille
[14] http://trademachines.fr/info/eau-en-bouteille/
[15] http://www.lepoint.fr/monde/massachusetts-une-ville-interdit-les-petites-bouteilles-d-eau-03-01-2013-1608031_24.php
[16] https://sciencepost.fr/ville-san-francisco-bannit-les-bouteilles-deau-en-plastique/
[17] https://www.agonyandivy.com/fr/l-eau-en-bouteille-interdite-dans-les-universites-americaines-pour-reduire-le-plastique
[18] http://www.eaudeparis.fr/nc/carte-des-fontaines/
[19] http://www.refillbristol.org.uk/
[20] https://refill-hamburg.de/en/refill-germany/[21] https://www.biocoop.fr/produits-bio/Eau/Biocoop-dit-non-a-l-eau-en-bouteille-plastique
Pour aller plus loin :
La très bonne infographie : http://trademachines.fr/info/eau-en-bouteille/
Quelques photos : https://www.wedemain.fr/Photos-Maldives-une-candidate-de-telerealite-combat-le-plastique_a658.html
En écho avec votre article, dessinatrice, j’ai réalisé une série sur la pollution des océans conçue à partir de photographies de particules de plastiques trouvées sur des plages aux quatre coins du monde ! A découvrir : https://1011-art.blogspot.com/p/ordre-du-monde.html
Mais aussi sur ce même sujet « Anthropocène » : https://1011-art.blogspot.com/p/planche-encyclopedie.html
Bonjour, merci beaucoup pour le partage de votre travail, c’est très impressionnant. Je vous écris un mail pour en savoir plus.