Le marché du vrac en France a pris son envol à partir de 2016, porté par un contexte propice à son développement (préoccupations des consommateur·rices, contexte législatif, création du Réseau Vrac & Réemploi la même année etc.). Mais en 2021, il traverse une période plus difficile avec une baisse de fréquentation significative notamment des épiceries locales, menant à des fermetures en série.
L’équipe de Zéro Déchet Lyon avait enquêté sur les freins et leviers et alerté sur cette crise à l’été 2024. Retrouvez les résultats de ce travail dans cet article.
A l’occasion de ce mois de Mars, mois du vrac et du réemploi, Zéro Déchet Lyon revient sur quelques fausses idées qui entourent ces pratiques de consommation, afin de (re)démontrer l’accessibilité et les multiples intérêts à soutenir ces pratiques tout en remettant la lumière sur les épiceries vrac de quartier en grandes difficultés et pourtant essentielles pour aider à réduire déchets et gaspillages.
Chaque jour de cette semaine, découvrez la réalité derrière une fausse idée sur le vrac.
Fausse idée n°1 : « Consommer Vrac ça coûte trop cher ! «
Il s’agit là d’une idée reçue largement répandue, à laquelle il peut être complexe de répondre directement et rapidement.
Lorsque l’on compare des produits de qualité similaires, comme dans cette étude de l’Institut National de la Consommation, le choix du vrac est bien souvent le plus économique (entre 4 et 20% moins cher). On peut aussi noter que les produits vrac bio sont moins chers au détail dans les épiceries de quartier que leurs équivalents préemballés.
En revanche, si l’on compare un produit bio et local vendu en vrac avec un produit d’enseignes type hard discount (et donc de qualités inférieures), immédiatement une différence s’impose.
D’autant plus que dans les magasins de grande et moyenne surface (GMS) immédiatement une différence s’impose : les produits bios se voient octroyés d’une sur-marge de 15% en moyenne. Dans une de ses enquêtes, l’UFC Que Choisir révélait d’ailleurs que « 46 % du surcoût du bio provient en réalité des “sur-marges” réalisées sur le bio par les grandes surfaces ».
Les fabricant·es et producteur·rices expliquent par ailleurs que les coûts de production sont, dans la majeure partie, similaires pour les produits vrac et préemballés. De plus, ils assurent pour la plupart que les coûts d’emballage sont moins élevés pour de plus grands contenants destinés au vrac.
En revanche, lorsque l’on se penche sur les coûts de production, alors, le vrac peut être plus cher que le pré-emballé. Cela est dû aux charges de main d’œuvre, de logistique, d’entretien du rayon, d’équipements ainsi qu’à d’autres facteurs techniques… Cela est également dû au fait qu’en circuits courts, locaux ou dans des modèles de revente engagés, les prix d’achat sont réalisés à la juste valeur pour les producteur·rices tandis qu’à échelle plus grande et industrielle, la grande distribution négocient fortement à la baisse les prix d’achat.
Le vrai prix derrière le vrac : la question unique du prix est-elle la bonne ?
Il convient de définir la véritable valeur des produits que l’on consomme au quotidien. En effet, entre pouvoir d’achat du·de la consommateur·rice moyen·ne, taxes, rémunération des producteur·rices/, des négociant·es/distributeur·rices, inflation ou encore coûts des charges liées à la production du produit lui-même, ne sommes-nous pas un peu perdu·es quant à ce que devrait réellement nous coûter nos courses ?
Que se passe– t’il lorsque l’on choisit d’acheter un produit dans un commerce locale plutôt que dans un supermarché appartenant à un grand groupe industriel ?
Les prix pratiqués en grande et moyenne surface ne constituent pas un idéal auquel tous les producteur·rices aspirent. Une GMS conventionnelle constitue sa chaîne de distribution en « circuit long », c’est à dire qu’elle comporte au minimum 2 intermédiaires entre le producteur·rice et le distributeur·rice. (contrairement au circuit court, qui ne peut en avoir qu’un.) La plupart du temps, les intermédiaires sont multiplié·es, allégeant le revenu final du·de la producteur·rice initial·e, qui peine à couvrir ses charges et se voit contraint·e à ne pas avoir de revenu pour vivre de ses productions, voire d’adopter des modes de productions plus industrialisés et standardisés (pratiques nocives pour l’environnement et pour la santé des travailleur·ses) pour rester à flot.
La vente en circuits courts en France métropolitaine ne représente que 23% des ventes de produits alimentaires (données 2020 de la Directions Régionales de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt- DRAAF) soit 30% sur notre région et 40% sur le Rhône. Ces circuits courts sont à 64% de la vente à la ferme en direct, les 36% restants s’écoulent avec un intermédiaire, dans des magasins de producteur·rices, sur les marchés, par internet ou dans des associations pour le maintien de l’agriculture paysanne (Amap).
Le choix des épiceries vrac qui priorisent des produits locaux en circuit court, notamment pour des produits bruts non transformés, assure une part de revenu plus conséquente aux producteur·rices.
Des coûts additionnels non comptabilisés
On comprend donc vite que la valeur réelle d’un produit n’est pas celle affichée dans les supermarchés. Pire encore, ce modèle comporte des coûts additionnels “cachés” auxquels on ne pense pas : les coûts environnementaux et sociaux de ces produits.
C’est un fait avéré, l’agriculture conventionnelle dégrade les sols et la qualité de l’eau en les polluant durablement. Elle est aussi liée à la disparition de nombreuses espèces animales et végétales et émet des gaz à effet de serre (GES) notables (l’agriculture émet 20% des GES en France)…
Certains concepts permettent aujourd’hui de « chiffrer » la valeur de la nature, et par extension d’estimer le prix des dégâts sur l’environnement d’un pays. Cela passe par exemple par la notion de la perte des services rendus par les écosystèmes vivants. Il est indispensable de rappeler que la dégradation de la nature impact négativement le PIB d’un pays.
A cela s’ajoutent d’autres facteurs comme,
- Les types de produits : par exemple le riz est un aliment hyper concurrentiel qui peut être plus cher en vrac ou selon comment il est négocié auprès des importateur·rices.
- La qualité des produits: un aliment moins transformé présente de meilleures qualités nutritionnelles, il est donc plus nourrissant avec une quantité moindre (le prix au kg est moins cher)
- Le coût de l’emballage, du marketing et des manœuvres publicitaires associées qui incitent à la sur-consommation et au gaspillage des denrées (environ 100 euros par personne chaque année en France)
Ces enjeux qui rayonnent au-delà de la simple question du prix ont déjà été intégrés par la plupart des consommateur·rices régulier·ères de produits en vrac en France. D’après une étude commandée par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), en 2021, les consommateur·rices de produits en vrac le font en majorité pour utiliser moins d’emballages (57 %) et pour avoir juste la quantité (53 %), permettant de limiter le gaspillage alimentaire. D’autres raisons mentionnées sont aussi la possibilité d’achats plus variés en petites quantités, un approvisionnement en produits plus sains ou la réalisation de recettes nécessitant des ingrédients spécifiques.
Finalement, il s’agit donc ici de se questionner : quel modèle souhaite-t-on financer au quotidien avec son argent ?