Nous vous en parlions dans un article du mois précédent, le Plan Zéro Plastique de la Métropole de Lyon s’est mis en action en cette fin de mois de juin. C’est à l’occasion de la 4ème édition du Festival Entre Rhône et Saône (FERES) que les grand·es lyonnais·es ont découvert l’expérimentation.
Ce rendez-vous annuel a pour ambition de célébrer ses emblématiques fleuves : le Rhône et la Saône, tout en sensibilisant à leur préservation. Cette année, l’évènement s’est tenu du 27 au 29 juin et a séduit près de 35 000 visiteur·euses.
Ses activités familiales et populaires (spectacles en scène ouverte, banquet partagé, ateliers créatifs, village de stands associatifs…) se sont étalées des berges de la Guillotière à Confluence sous un soleil estival.
C’est dans ce cadre que le Grand Lyon a expérimenté la mise à disposition de vaisselle lavable et fontaines mobiles « Cubdo » qui s’inscrit dans le 2ème enjeu du plan 0 plastique « Développer le réemploi sur les sites et espace publics de la Métropole ». Elle vient traduire l’objectif n°3 de ce plan qui vise à “Rendre obligatoire la vaisselle réemployable dans les événements organisés sur l’espace public”.
Ces actions peuvent également être mises en cohérence avec l’un des objectifs de la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Economie Circulaire) qui précise que depuis le 1er janvier 2023, les restaurants pouvant accueillir 20 client·es et plus sont dans l’obligation de les servir dans de la vaisselle lavable (gobelets, couvercles, assiettes, récipients, couverts). Outre la restauration rapide et les cafétérias ou restaurants de musées, d’enceintes sportives, de parcs d’attractions, de halls d’exposition, de stations d’autoroute, de gares et d’aéroports, ou encore d’entreprises ou d’administrations, les festivals sont également concernés, comme le précise le Ministère de la Transition Ecologique dans une fiche « FAQ plastique & anti-gaspillage » datée de Mai 2023.
Pour être plus précis, les activités « ponctuelles» sont concernées au même titre que celles permanentes, dès lors qu’il s’agisse de services de restauration opérés par des professionnel·les dans les zones de restauration dédiées des festivals.
Des mesures qui font d’autant plus sens lorsque l’on sait que le secteur de l’événementiel public est fortement générateur de plastique à usage unique et autres déchets sur de court laps de temps, ce qui suppose une pression intense pour les instance de collecte et gestion des déchets des collectivités. L’ADEME estimait en 2018 qu’une manifestation de 5000 personnes générerait environ 2,5 tonnes de déchets.
Zéro Déchet Lyon s’est rendu sur place pour comprendre les rouages de cette initiative et recueillir les opinions des festivalier·es.
Un festival Zéro Déchet : comment faire ?
Cette année, exit les gobelets consignés, bonjour la vaisselle lavable gratuite.
L’expérimentation a été menée avec Wobz, une entreprises locale spécialisée dans la personnalisation de vaisselle réutilisable pour tous types d’évènements. L’entreprise a également entièrement pris en charge la logistique et le lavage du matériel.
Pour initier la démarche et l’adapter au mieux aux besoins des restaurateur·rices et des participant·es plusieurs échanges ont été menés avec les différentes parties-prenantes :
- Les restaurateur⸱rices présent⸱es sur le festival,
- Les agent⸱es de la Ville qui coordonnent l’évènement,
- Les agent·es de la Métropole de Lyon (qui finance l’action),
- Les organisateur⸱rices du FERES,
- L’entreprise Wobz;
- L’association AREMACS, missionnée pour la sensibilisation des festivalier·es et la gestion des points de retour de la vaisselle.
En terme d’organisation, l’espace de restauration est resté sensiblement identique aux autres années, avec une zone centralisant les restaurateur·ices. C’est dans cette même zone que le stand de retour de vaisselle à été implanté.
La totalité de la vaisselle a été récupérée en une seule fois par Wobz, à l’issue du festival, pour son lavage.
Côté communication, la ville et la Métropole de Lyon ont réalisé plusieurs supports pour identifier les espaces de retour de la vaisselle et rappeler les consignes à suivre (oriflammes, pancartes dans les espaces repas et sur certains stands, chevalets sur chaque table, etc.). L’information se voulait incontournable et visible de toustes.
Pour compléter le dispositif, des bénévoles d’AREMACS ont été missionné·es pour rappeler aux festivalier·es de rendre leur vaisselle et discuter avec eux de l’utilité de la démarche. Ces mêmes bénévoles s’assuraient également que les restaurateur·ices ne manquaient pas de vaisselle en cours de service.
Le bar a eau, concept développé par un entrepreneur indépendant pour l’Eau du Grand Lyon, s’est également pris au jeu du zéro déchet. Cela a supposé une adaptation des gobelets pour les rendre lavable et une réorganisation logistique permettant de passer rapidement d’un événement à l’autre tout en gérant le même inventaire de verres à seulement quelques jours d’écart.
La solution ici retenue est portée par le groupe Re-Use, qui a créé les verres et leurs système de lavage. Il s’est également posé la question de l’usage de poches de glace réutilisables plutôt que l’achat de glaçons dans des sacs en plastique jetable. Si l’entrepreneur concède que cela a augmenté ses coûts de gestion, notamment sur l’investissement initial, il explique que cela permet d’améliorer son service et de l’adapter à la demande qui évolue en ce sens.
Un concept largement adopté
Si les restaurateur·ices pouvaient se montrer frileux·ses au lancement de la démarche du fait de leur forte habitude aux contenants jetables, ils n’ont finalement pas éprouvé de regret ou de difficulté particulière liée à la vaisselle lavable.
D’après les échanges que nous avons eu avec de nombreux festivalier·es, les retours sont unanimes : l’action est efficace, positive, écologique et très pratique. Ils soulignent notamment la gratuité de la « consigne » et le fait que le système est d’une grande facilité, deux gros points forts selon eux.
Tandis que certains s’interrogeaient sur le matériaux choisi pour les contenants « je trouve ça très bien, c’est impeccable, seulement je me demande s’il peut y avoir de la vaisselle lavable qui ne soit pas en plastique ? », d’autres se réjouissaient de l’initiative « On se disait que c’était une très bonne nouvelle », nous ont confié un groupe de festivalier·es venu·es en famille.
Un couple nous a soufflé : « Je pense que c’est bien d’avoir de la vaisselle réutilisable parce que c’est un peu bête de tout jeter à chaque fois qu’il y a un festival en sachant que ça peut être réutilisé plusieurs fois, donc c’est plutôt une bonne chose. Et le fait que c’est gratuit c’est bien, parce qu’autrement il faut toujours penser à la consigne. »
Un avis que l’on a retrouvé auprès d’autres personnes, comme cette mère de famille qui expliquait : « C’est très bien, parfait, c’est propre et bien pratique. C’est éco-responsable et permet d’éviter de jeter du plastique ».
Enfin, certaines personnes ont souligné l’amélioration du cadre de vie engendrée par cette action « Oui c’est bien, il n’y a pas de poubelles qui volent de tous les côtés, c’est plus propre. »
Quelques disparité se creusent toutefois au sujet de la communication : peu festivalier·es interrogé·es n’avait connaissance du dispositif CUBDO (modules mobiles pour apporter des fontaines à eau lors d’évènements ponctuels) bien que leur présence ait été signalée en amont sur le site internet du festival (sans explications précise de ce que cela impliquait) : « Je ne connaissais pas les Cubdo mais c’est très pratique ! ».
Nous avons aussi voulu savoir si les participant·es à ce festival, généralement sensibles aux enjeux environnementaux, avaient déjà entendu parlé du plan Zéro Plastique de la Métropole de Lyon. Il s’avère que la quasi-totalité des personnes interrogées n’en avait pas du tout connaissance.
Enfin, l’information que le festival passaient au format zéro déchet cette année a également peu circulée en amont, la plupart des festivaliers et festivalières le découvrant seulement sur place.
Une réussite à faire rayonner sur la métropole…
L’expérimentation de vaisselle réemployable sur le festival a été un franc succès. L’enjeu était de taille pour que la démarche engagée serve de modèle à dupliquer sur d’autres évènements.
Les nombreux retours positifs sur cette expérience ouvrent dès lors le champ des possibles en matière de prévention des déchets dans les évènements festifs organisés par la Ville et la Métropole.
Il s’agit désormais de répéter l’expérience sur des évènements progressivement plus grands, pour peut-être un jour voir de tels systèmes devenir la norme ?
Dans quel mesure cela est-il reproductible ?
Tout d’abord, la taille modeste de l’évènement et sa nature déjà positionnée en faveur de la protection de l’environnement ont joué des rôles clés dans la réussite de cette expérience. Les équipes en charge du suivi du retour de la vaisselle ont pu facilement déambuler au milieu des festivalier·es pour échanger avec elleux et diffuser les consignes d’usage et de retour. En outre, le FERES attire par définition un public globalement déjà sensible à la cause environnementale, qu’il est plutôt aisé de mobiliser sur de tels enjeux.
On peut également prendre en compte le fait que d’autres festivals de plus grande ampleurs, en dehors de la métropole de Lyon, on déjà passé le cap d’une vaisselle réemployable, à l’instar du Tomorrow Land Winter (+ 22 000 festivalier·es) ou du Hadra Trance Festival (+10 000 personnes) qui l’avaient anticipé l’année passée.
Des clefs de réussite s’esquissent pour organiser un tel dispositif dans le cas de festivals accueillant un public plus nombreux et plus diversifié :
- La vaisselle lavable doit se maintenir comme l’unique option disponible sur l’évènement. Cela permet d’éviter les confusions quant à une pluralité d’options, de faciliter le retour de la vaisselle et de ne pas inciter le public à se tourner vers une solution qu’il connaît par habitude.
- Les espaces et points de retour vaisselle doivent être multiples, de sorte à créer un maillage sur l’évènement.
- Plus l’évènement est important, plus il faudra disposer de moyens humains alloués à la surveillance, à la sensibilisation et au ramassage de la vaisselle abandonnée dans les espaces de restauration.
- Enfin, le dispositif doit rester simple et non contraignant pour les usager·es.
Du côté des organisateur·ices et prestataires, le défi principal reste la question de la gratuité de ces actions. Il s’agit de minimiser le risque de pertes financières dans le cas d’un modèle gratuit, ou de se poser la question d’une optimisation de la méthode « consignée ».
Par ailleurs, même s’il s’agit d’évènements non organisés par la collectivité, elle a tout de même son rôle à jouer, notamment via l’attribution de subventions dédiées à la location de vaisselle lavable, la mise à disposition de moyens logistiques, la création d’un parc à vaisselle à mettre à disposition ou le prêt de machines pour le lavage des éléments souillés.
Il est également possible de s’appuyer sur le réseau d’entraide déjà existant, notamment entre les structures associatives et sociales, qui n’hésitent pas à mettre de la vaisselle réutilisable à disposition dans le cadre de petits évènements. C’est le cas de la Maison de l’environnement de la Métropole de Lyon ou de l’association Cagibig dont c’est même la spécialité.
C’est en soutenant les prestataires capables d’alimenter des évènements majeurs en vaisselle lavable et d’effectuer du réassort en cas de besoin, de proposer des solutions pour la sensibilisation, la logistiques et la phase de lavage, le tout à des coûts attractifs, que nous parviendront à renverser le modèle actuel des évènements festifs en faveur de pratiques plus respectueuses de l’environnement.