Les couches lavables, une alternative culottée

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En 1956, Vic Mills, grand-père et ouvrier de l’entreprise Protect & Gamble invente ce qui s’apprête à révolutionner les changes pour bébés : la couche jetable[1]. Trois années plus tard, les couches Pampers sont nées, prêtes à « choyer » les fesses de nos bébés (de l’anglais to pamper). Fini la corvée des lessives, merci papi Mills !

Pourtant, papi Mills ne se doutait pas que soixante plus tard, les couches jetables seraient devenues un vrai problème écologique. A l’échelle de la France, trois milliards de couches jetables sont commercialisés chaque année. Cela génère 750 000 tonnes de déchets soit 3% des ordures ménagères collectées qui finissent en incinération ou enfouissement.

 

Les couches jetables, un déchet du quotidien qui pèse lourd 

Entre sa naissance et l’âge de propreté – 2 ans et demi en moyenne – un enfant aura besoin de 4 000 à 5 000 couches. Ces couches non valorisables représentent 4,5 arbres et 25 kg de plastique obtenu à partir de 67 kg de pétrole brut. Elles mettront 500 ans à se dégrader.

Quand on sait que 20 000 p’tits lyonnais voient le jour chaque année sur le territoire de la Métropole de Lyon, on se rend vite compte de la quantité de déchets générée par les couches jetables. Pour les parents qui ont un enfant entre 0 et 2 ans, les couches représentent jusqu’à 40% de leur poubelle ménagère. Sans oublier les changes utilisés pour les personnes âgées en maisons de retraite. Les textiles sanitaires – couches culottes, lingettes, protections hygiéniques – représentent 5% des déchets ménagers selon l’ADEME. On peut donc estimer qu’à Lyon, les couches pèsent environ 15 000 tonnes parmi les 309 617 tonnes d’OMR[2] collectées par le Grand Lyon en 2016. A Lyon, les couches finissent dans les incinérateurs de Rillieux et de Gerland.

3800 couches jetables sur 1 ans contre 24 couches lavables sur 1 à 3 ans
(c) : https://bummis.wordpress.com/2014/08/12/10-raisons-pour-lesquelles-les-couches-lavables-sont-mieux-que-les-couches-jetables/

Le coût lié à la collecte et au traitement des couches jetables est supporté par les contribuables via la taxe d’élimination des ordures ménagères (TEOM). A Lyon, le coût brut du traitement d’une tonne d’OMR est de 243€[2]. Ainsi, le traitement des couches à Lyon aurait coûté environ 3,6 millions d’euros aux contribuables en 2016.

La production des couches culottes tout comme leur traitement final (incinération et/ou enfouissement selon les territoires)  génèrent des impacts environnementaux et sanitaires non négligeables : matières premières, eau, énergie, émissions de gaz à effet de serre, pollution de l’eau, de l’air et des sols, etc. Cette histoire de couches commence à sentir mauvais…

Les couches « écologiques » : une fausse bonne idée ?

Depuis quelques années, les rayons de supermarché et autres commerces d’approvisionnement ont fait place à un petit nouveau : les couches jetables écologiques. Les couches écologiques, souvent biologiques, ont un impact environnemental moindre que leurs consœurs. Fabriquées à partir de matières naturelles, on les dit plus respectueuses du confort et de la santé des bébés. Pour autant, au-delà d’un coût supérieur – de 10 à 50% selon les marques – les couches écologiques ne constituent pas une réelle alternative aux couches jetables.

D’un point de vue environnemental premièrement. La fabrication de couches écologiques nécessite matières premières, eau et énergie en quantité significative. De même, malgré un affichage publicitaire « biodégradable », les couches écologiques ne sont pas compostables ou recyclables à 100% en raison de la présence de SAP, un polymère « super absorbant ». Les couches écologiques n’en restent pas moins jetables et viennent s’ajouter aux tonnes de déchets ménagers produits chaque année. Pour la collectivité, le coût d’évacuationCouverture du magazine 60 millions de consomateurs avec titrage "Couches : attention toxiques" et de traitement reste le même.

D’un point de vue sanitaire deuxièmement. Bien qu’en quantité moins importante que les couches classiques, la plupart des couches écologiques contiennent des résidus toxiques. Dans une étude publiée en février 2017, l’association 60 millions de consommateurs a analysé la composition de 12 marques de couches[3]. Les tests mettent en évidence la présence de résidus potentiellement toxiques dans 10 des 12 produits analysés, dont 2 modèles écologiques (de la marque Carrefour et Pampers). Seules 2 marques écologiques ne contiennent pas de substance toxique (Love & Green et Mots d’enfant).

Si l’étiquetage n’est pas obligatoire sur les paquets de couches, comme plus généralement sur les produits sanitaires et cosmétiques, les analyses commandées par l’association ont révélé des résidus de glyphosate et d’autres pesticides classés « cancérigènes probables » et « cancérigènes possibles » par le Centre international de recherche sur le cancer (CRIC). Dans différents modèles, des traces de dioxines et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), tous deux connus pour leur toxicité, ont été découvertes.

Ainsi, si les couches jetables écologiques marquent des points par rapport aux couches jetables classiques, ce n’est qu’en demi-teinte. D’autres arguent qu’il faudrait recycler les couches jetables…est-ce vraiment une bonne idée ?

Le recyclage des couches jetables ?

Si la réduction des déchets est la priorité, la valorisation des déchets existants n’en reste pas moins un sujet. En Allemagne, en Angleterre, en Australie mais aussi en France, des industriels et des acteurs de l’économie circulaire innovent pour valoriser les couches par le recyclage ou le réemploi de matières premières. En Italie, l’entreprise Fater Spa traite et récupère les matières premières de 10 000 tonnes de couches chaque année[4]. Une tonne de couches usées permet de récupérer 350 kg de matières dont 50% de plastique, 25% de cellulose et 25% de polymères. D’autres projets misent eux sur la valorisation de matières organiques, notamment dans l’agriculture, par le compostage ou la méthanisation. La plupart de ces initiatives sont coûteuses en termes de recherche et de développement et le process pas très bien au point. Le traitement par compostage ou méthanisation pose également question : une partie des polymères se retrouve dans le compost épandu dans les champs… ça ne sent vraiment pas bon cette histoire de couches jetables ! Heureusement, il existe de véritables alternatives.

Bébé « zéro déchet », l’alternative aux couches jetables : les couches lavables !

Une alternative écologique et économique : les couches lavables

Attributs d'une couche lavable moderne : absorbante, compostable, confort, respiration
(c) http://www.sictoba.fr/Couches-lavables.html

La vraie alternative aux couches jetables, on l’a : les couches lavables. Au jeu de la comparaison, la couche lavable a tout bon.  Elle consomme 3,5 fois moins d’énergie, 2,3 fois moins d’eau, 8,3 fois moins de matières premières non renouvelables et 90 fois moins de matières premières renouvelables que le cycle de vie d’une couche jetable. Mieux, durant ses trois premières années, un bébé n’aura besoin que de 20 couches lavables ! On est bien loin des 4 500 couches jetables…

Le portefeuille est également gagnant. Le prix d’une couche lavable varie entre 20 et 30€ et le coût du lavage est estimé à 150€ environ sur trois ans. Le budget total varie entre 550 à 750€. Pour les couches jetables, dont l’unité coûte en moyenne 20 centimes d’€, le budget total atteint 940€. Et par enfant ! Alors que dans le cas des couches lavables, on peut réutiliser pour le deuxième enfant.

Convaincus mais encore un peu réticents à franchir le cap? Place aux travaux pratiques ! Une couche lavable se compose de plusieurs parties : une culotte de protection, un absorbant et un insert. Et non, vous n’allez pas laver les matières fécales de votre bébé en machine. On oublie les couches lavables du temps de papi Mills. Il est possible de placer un voile ou un feuillet au fond de la couche pour recueillir les matières fécales, feuillet qui sera ensuite jeté ou composté.[5]

Il existe différents modèles de couches et différentes tailles. Certains modèles sont ajustables et peuvent donc être utilisés pendant plusieurs années. Les couches peuvent être louées, achetées neuves ou d’occasion. Le coût d’investissement étant important, la location peut permettre aux parents de tester plusieurs modèles avant de procéder à l’achat.

Afin de réduire l’impact environnemental lié au lavage des couches, l’ADEME propose des conseils d’utilisation dont notamment : laver les couches à 40°C, à pleine charge et les sécher à l’air libre. Et si certains veulent s’épargner des lessives supplémentaires, des initiatives naissent pour faciliter la vie des parents. A Paris, deux papas ont monté une start-up de ramassage et de lavage de couches.

 Et à Lyon, quelles initiatives ?

En région lyonnaise, les couches lavables gagnent lentement du terrain. Accompagnés par des professionnelles expertes en la matière, des parents et des crèches se lancent chaque jour dans l’aventure, à l’image de la crèche parentale Le chat perché à Villeurbanne. Julia Dombradi est l’une des accompagnantes. Consultante et formatrice en éco-projets, elle a fondé Eclaircie conseil. Elle propose un accompagnement dans la mise en place et l’utilisation de textiles sanitaires lavables Citons également  l’entreprise  Locacouche qui propose  un service de location de couches lavables.    Enfin, Delphine Jouassin forme et accompagne différentes structures au passage à la couche lavable via son entreprise Le Ranivala, Cultivateur d’environnement sain. Ces trois entrepreneuses font partie du réseau lyonnais des entrepreneurs engagés pour la réduction des déchets de notre association. Pour acheter des couches lavables sur Lyon, rendez vous dans les boutiques Le Biocal (Gratte-Ciel, Villeurbanne) ou Bébé Frog(Montplaisir, Lyon 8ème).

L’association Zéro Déchet Lyon à travers le groupe des « P’tits culottés » propose des rencontres régulières entre jeunes parents et/ou futurs parents pour échanger sur l’utilisation des couches lavables : témoignages de parents, intervention d’un médecin, découverte de différents modèles et réponses à toutes les questions !

Echange sur les couches lavables avec les P’tits culottés de Zéro Déchet Lyon.

Si de plus en plus de crèches font le choix du lavable, certaines maternités franchissent également le pas. Soutenu par le Conseil général du Bas-Rhin, le Centre médico-chirurgical et obstétrical de Schiltigheim près de Strasbourg a été le premier établissement à fournir uniquement des couches lavables[5]. Dans le Jura, les maternités de Lons-le-Saunier et de Dole proposent aux parents de tester le lavable durant leur séjour. [6] D’autres maternités ont lancé des expérimentations et proposent aux parents des ateliers sur le thème de la santé environnementale et des couches lavables comme la maternité de Beaumont à Roubaix ou la Clinique mutualiste de Grenoble. Qui se lance à Lyon ??

Le changement vers des pratiques plus responsables passe autant par des initiatives individuelles que par des dynamiques collectives. Les collectivités locales ont ainsi un rôle à jouer. Et d’autant plus de raisons de s’intéresser aux couches qu’elles sont en charge non seulement du développement durable mais aussi de la gestion et du traitement des déchets.

Les collectivités locales face aux couches

De nombreuses collectivités s’emparent du sujet dans le cadre de leur plan de prévention des déchets. Elles informent les parents et les incitent à opter pour les couches lavables. Certaines collectivités proposent même des subventions à l’achat. La communauté de communes de Miribel et du Plateau dans l’Ain propose à ses habitants de tester gratuitement et pendant un mois des couches lavables[7]. Elle accorde également une aide qui peut s’élever à 250€  pour l’acquisition de 12 couches. Zéro Déchet Lyon prend actuellement part au groupe de travail « Eco consommation » de la commission consultative d’élaboration et de suivi du plan de prévention des déchets ménagers et assimilés du Grand Lyon. Les couches lavables ont été un axe de réflexion important. Financement de solutions innovantes, informations sur les couches lavables, subventions à l’achat, accompagnement au changement de structures collectives, commande d’études de coût et de faisabilité, la Métropole de Lyon dispose de plusieurs moyens pour s’investir sur le sujet des couches et participer à la réduction des déchets sur le territoire. Les objectifs chiffrés ainsi que les moyens d’action seront révélés à l’automne, après une phase de consultation publique à l’été. On compte sur vous !

Si cet article vous a rendu curieux et vous donne presque envie de changer vos pratiques, venez à une rencontre des P’tits culottés ! La prochaine aura lieu le samedi 16 juin 2018 de 9h30 à 11h30. Inscription obligatoire.

Logo des P'tits cullotés : avec un petit lion couronné, bien fièrs de lui

[1]http://www.parents.fr/bien-s-equiper/puericulture/lepopee-des-couches-jetables-79528
[2]https://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/media/pdf/proprete/rapports/20171221_gl_proprete-rapportannuel_2016.pdf
[3]https://www.60millions-mag.com/2017/01/24/des-residus-toxiques-dans-les-couches-pour-bebes-10917
[4]https://www.usinenouvelle.com/article/les-couches-et-les-serviettes-hygieniques-usagees-enfin-recyclees-en-italie.N562333
[5] https://www.environnement-magazine.fr/recyclage/article/2009/09/02/42545/une-maternite-alsacienne-adopte-les-couches-lavables
[6] http://www.leprogres.fr/jura/2011/01/31/en-2012-les-maternites-de-lons-et-dole-passent-aux-couches-lavables
[7]  https://www.cc-miribel.fr/tri-des-dechets/reduction-des-dechets/les-couches-lavables

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