Les biodéchets… Vous avez dit « déchets » ?

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de la mousse qui pousse

Les biodéchets* (épluchures, gaspillage alimentaire, déchets de jardin…) constituent une part non négligeable de nos poubelles avec 115 kg par an par habitant [1]soit 30% de la poubelle grise ! Sans parler du gisement de biodéchets des gros producteurs (marchés, restaurateurs, paysagistes, etc).  Aujourd’hui ils finissent en incinération ou en décharge. Quelle aberration quand l’on sait qu’ils sont une source de vie pour les sols ! La Loi sur la transition énergétique pour la croissance verte fixe l’obligation pour les collectivités à mettre en place, d’ici 2025, une organisation permettant aux usagers de trier les déchets organiques à la source pour les valoriser. Pourquoi est-ce si important et où en sommes-nous à Lyon, telles sont les questions auxquelles nous allons répondre dans cet article.

La gestion actuelle des biodéchets ou une double peine : gâchis de ressources et pollutions évitables

Seuls 5% des ménages français bénéficient aujourd’hui d’une collecte dédiée [2]. A Lyon, ce n’est pas le cas et vos biodéchets sont dans la poubelle grise, mélangée à vos ordures résiduelles. Les biodéchets des ménages lyonnais représenteraient quelques 130 000 tonnes de déchets organiques. Hormis quelques (lombri)composteurs partagés et les initiatives individuelles, les biodéchets sont aujourd’hui en grande majorité incinérés à Rillieux et Gerland. Ce traitement coûte 28 000 000€, financés via la Taxe d’enlèvement des ordures ménagères payée par les ménages lyonnais [3].

Concernant les biodéchets générés par les activités économiques (restaurants, traiteurs, magasins, industries agro-alimentaires, marchés alimentaires, cuisines collectives…), la Loi Grenelle II oblige depuis 2016 les entités produisant plus de 10 tonnes de biodéchets par an à trier à la source leurs biodéchets. A titre d’exemple, cela concerne la majorité des cantines scolaires, les restaurants traditionnels servant 200 repas par jour toute l’année ou encore un commerce alimentaire de 500 m2 ou un petit marché. Toutefois, la loi est très peu appliquée. Les 5 600 tonnes de biodéchets des marchés lyonnais partent pour la plupart tout droit à l’incinérateur.

Comme nous l’avons déjà évoqué dans nos articles précédents, l’incinération et l’enfouissement génèrent à travers le transport nécessaire, le process et le traitement des sous-déchets créés plusieurs pollutions. Mais surtout, quelle aberration en incinération de brûler de l’eau ! Les biodéchets sont en effet composés à 80% d’eau. Ils partent donc difficilement en fumée alors qu’ils sont une vraie ressource…on vous explique à présent en quoi ils sont si importants.

Le potentiel des biodéchets : “l’or vert” …ça arrive quand à Lyon ?

Le tri à la source permet de traiter les biodéchets séparément des ordures et d’en faire une ressource en produisant soit du compost pour nourrir les sols, soit de l’énergie dite renouvelable. Les sols sont un enjeu majeur pour le climat et l’environnement [4]. Ce faisant, il est nécessaire de maintenir leur fertilité et leur bonne santé pour assurer à la fois la production alimentaire et la conservation de la biodiversité.

C’est dans ce contexte que l’article 70 de la loi du 17/08/15 sur la transition énergétique pour la croissance verte a été promulgué : le tri à la source des déchets organiques doit être généralisé pour tous les producteurs de déchets d’ici 2025. Chaque citoyen doit avoir à sa disposition une solution pour ne pas jeter ses biodéchets dans les ordures ménagères résiduelles, afin qu’ils soient valorisés. Le libre choix est laissé à la collectivité territoriale compétente pour organiser les solutions techniques de valorisation des biodéchets et le rythme de déploiement. Concrètement, il peut s’agir de (lombri)compostage individuel ou partagé (entre voisins, sur le lieu de travail), et/ou la collecte séparée (une poubelle supplémentaire).

Qu’en est-il à Lyon ? En adoptant en avril 2017 le plan d’action « économie circulaire, zéro gaspillage », la Métropole s’engage à développer le tri à la source des biodéchets d’ici 2023, en proposant notamment plus de solutions de compostage de proximité [5]. Par ailleurs, dans le cadre de la rédaction du nouveau Plan local de prévention des déchets ménagers et assimilés, la métropole de Lyon a créé une commission consultative pour le co-rédiger avec les acteurs du territoire : un groupe de travail est dédié aux biodéchets afin d’établir les besoins et les actions à inscrire au programme.

Le mode de gestion des déchets à Lyon doit donc être complètement repensé. En effet en plus des problématiques logistiques et de sensibilisation aux nouveaux gestes de tri des citoyens lyonnais, la métropole est face à plusieurs obstacles directement liés à l’évolution de la nature des déchets à traiter. Aujourd’hui les incinérateurs brûlent des ordures ménagères composées à plus d’1/3 de biodéchets. Sans les biodéchets c’est tout d’abord un problème de rentabilité des fours qui se jouent, puisqu’en se coupant d’un tiers des approvisionnements, ils ne tourneraient plus à plein régime. Par ailleurs, les procédés d’incinération ont été dimensionnés pour brûler des déchets incluant une certaine quantité de déchets organiques. En changeant la nature des déchets à incinérer, on modifie leur propriété physique et cela impacte le fonctionnement des incinérateurs. En détournant le flux organique, il faut repenser le traitement des ordures ménagères en diminuant les capacités d’incinération et en réinvestissant dans de nouveaux fours. Ca tombe bien, la question du renouvellement des incinérateurs se pose très prochainement !

Notons qu’en plus, les incinérateurs actuels fournissent de l’énergie permettant d’alimenter des réseaux de chaleur à proximité des installations. La question des biodéchets dépasse donc le dimensionnement d’une collecte supplémentaire, l’association Zéro Déchet Lyon travaille aujourd’hui sur la question pour proposer des solutions concrètes à la Métropole.

Surtout nous avons des exemples -en France et à l’étranger- qui montrent que la valorisation des biodéchets est possible. Et ce, même dans une grande ville…à Milan, -deuxième ville d’Italie, plus d’un million d’habitant- 90 kg de biodéchets sont collectés par an et par habitant. Attention cependant aux technologies de Tri-Mécano-Biologique et aux unités de méthanisation sur-dimensionnées qui se révèlent être de “fausses bonnes idées” [6].

Enfin, si la métropole collecte les biodéchets séparément, il est nécessaire qu’elle dispose d’une solution de traitement qui supporte un volume important de déchets. Or aujourd’hui il n’y a aucun site de compostage industriel agréé pour traiter des biodéchets. Toutefois, il existe quand même des solutions et initiatives à Lyon pour valoriser ses biodéchets, on vous emmène !

Les solutions aujourd’hui à Lyon

Le tri à la source des biodéchets est primordial, mais gardons à l’esprit que cela va de pair avec la lutte contre le gaspillage alimentaire. Vous pourrez prochainement lire un article sur le sujet.  

Si vous n’avez pas la possibilité d’avoir votre propre (lombri)compost chez vous, vous pouvez rejoindre un compost partagé, environ 70 [7] existent à Lyon. Toutefois, beaucoup d’entre eux sont déjà complets et il faut s’inscrire sur une liste d’attente pour être autorisé à y amener ses biodéchets.

Pour accompagner le développement de nouveaux compost citoyens partagés, la métropole de Lyon a mandaté le groupement Pistyles, Trièves compostage et environnement et Rhône insertion environnement. Il faut se rendre sur le site de la métropole et déposer un dossier de demande d’accompagnement. Si le projet est validé, la métropole fournira les bacs du composteur et les accessoires pour son utilisation, les partenaires formeront les personnes responsables du composteur, et veilleront au bon fonctionnement du site de compostage pendant 9 mois. Armez vous de patience, la procédure peut être longue et il faut réussir à convaincre les habitants du quartier ou les membres de la copro, nommer un référent, trouver ensuite le broyat nécessaire au bon fonctionnement…

La politique du grand Lyon pour le développement d’actions valorisant les biodéchets est donc limitée pour l’instant mais évolue. Plusieurs initiatives associatives ou entrepreneuriales permettent aux citoyens et professionnels lyonnais de valoriser leurs biodéchets. On vous en fait découvrir trois.

L’association Les Compostiers, qui mène des actions pour le compostage urbain, édite une carte des composteurs collectifs de l’agglomération lyonnaise : les citoyens lyonnais peuvent se mettre en relation avec l’un des sites de compostage collectif et voir s’il y a encore de la place pour accepter leurs biodéchets.

L’association Eisenia propose elle un traitement des biodéchets par lombricompostage. En plus de l’installation d’une trentaine de lombricomposteurs en milieu urbain, elle propose également de collecter les biodéchets des professionnels pour alimenter les terrains agricoles proches. A l’automne dernier, Eisenia a sorti le « Plan B (pour Biodéchets) » qui étudie le gisement de biodéchets dans deux arrondissements de Lyon. Avec cette analyse fine, ils proposent un plan d’actions pour une gestion locale écologique, économique et sociale des biodéchets.

Compost’elles oeuvre aussi pour le développement du compost en se concentrant sur deux volets d’action : la prévention pour agir sur le gaspillage alimentaire et la formation et bonnes pratiques de tenue d’un composteur. Elles agissent aussi bien en restauration collective qu’auprès des habitants et proposent leurs services aux collectivités. Pour les deux fondatrices, le compostage est une porte d’entrée vers une réflexion plus large sur les problématiques environnementales ; comment nous alimentons nous aujourd’hui? d’où provient ce que j’achète? pour finalement se questionner sur notre mode de vie et envisager des alternatives.

En parallèle de Compost’elles, Annie a monté un autre projet : “La Tournée des chefs”. Avec son triporteur, elle collecte les déchets organiques des restaurateurs pour les valoriser dans un composteur installé au coeur de Lyon. Le compost est ensuite redistribué à ces mêmes restaurateurs : 10 tonnes de biodéchets devraient être sauvés de l’incinération.

D’autres initiatives comme les Détritivores (Par ici notre article dédié) ou Oui Compost vont prochainement voir le jour à Lyon, avec des solutions de collecte et de valorisation des biodéchets en circuit court.

Ainsi, ici et ailleurs, nous voyons naître de plus en de projets en faveur du tri et de la valorisation des biodéchets. Il y a un engouement certain de tout un chacun pour que les biodéchets n’alimentent plus les décharges ou les incinérateurs mais se transforment en ressources. La tendance est positive, d’autant plus que la réglementation va dans ce sens [8]! La valorisation organique des biodéchets permet donc une véritable dynamique d’économie circulaire : “Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”. Ces traitements se doivent bien entendu d’être réalisés localement afin d’éviter des pollutions liées au transport et doivent être dimensionnés pour leur territoire en fonction des besoins locaux.  

Glossaire :

Biodéchets : le Code de l’Environnement les définit comme : “tout déchet non dangereux biodégradable de jardin ou de parc (taille de haie, tonte de gazon, feuilles mortes), tout déchet non dangereux alimentaire ou de cuisine issu notamment des ménages, des restaurants, des traiteurs ou des magasins de vente au détail (épluchures de légumes et autre restes alimentaires), ainsi que tout déchet comparable provenant des établissements de production ou de transformation de denrées alimentaires.” Les biodéchets sont donc simplement des déchets organiques issus de ressources naturelles végétales ou animales. Il convient de distinguer deux sources de biodéchets : ceux issus des ménages, et ceux issus des gros producteurs (restaurants, traiteurs, magasins, industries agro-alimentaires, marchés alimentaires, cuisines collectives…).

Pour aller plus loin 

biodechets.org

L’ADEME

Ministère de la transition écologique et solidaire

Le Grand Lyon

Eisenia

Compost’elles

Le numéro 1 d’Agir à Lyon

Notes de bas de page

[1] Source Ademe

[2] Ademe – fév. 2018 – Comment réussir la mise en oeuvre du tri à la source des Biodéchets

[3] Association Eisenia – nov. 2017 –  Dossier de presse Plan B

[4] Rapport de l’IPBES sur la dégradation des sols https://www.consoglobe.com/degradation-sols-rapport-ipbes-cg

[5] www.met.grandlyon.com

[6] https://www.zerowastefrance.org/fr/articles/423-dossier-1-3-les-usines-de-tri-mecano-biologique-derniere-generation-des-usines-a-produire-du-combustible-quesaco

[7] Voir la carte sur http://agiralyon.fr/agir-dans-mon-quartier/

[8] Voir notamment le dernier arrêté en la matière : https://www.zerowastefrance.org/fr/articles/441-un-statut-juridique-clarifie-pour-le-compostage-de-proximite

 

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